L'histoire de la catégorie des CPE

DU SURVEILLANT GENERAL AU CONSEILLER
PRINCIPAL D'EDUCATION

 

Une mutation rapide et fondamentale

S'il est un métier qui, dans l'éducation nationale, a changé rapidement et profondément - en une trentaine d'années tout au plus - c'est bien celui-ci. Cette transformation est radicale, à tel point que les deux extrémités, le surveillant général (SG) et le conseiller principal d'éducation (CPE) n'ont plus beaucoup de points communs. La création Le décret du 17/11/1847 crée la fonction de surveillant général dans les lycées. La circulaire ministérielle du 20/12/1847 définit la mission. Les SG sont nommés par le ministre sur une liste d'aptitude ouverte aux répétiteurs ayant cinq années d'ancienneté. Leur mission est d'être les auxiliaires des censeurs des études et sous les ordres de celui-ci, de diriger les répétiteurs. Ils prennent rang, dans la hiérarchie protocolaire du lycée, après les professeurs mais avant les maîtres de l'enseignement élémentaire. S'ils sont licenciés et après cinq années d'ancienneté, ils peuvent postuler à un poste de censeur à condition que le titre d'officier d'académie leur ait été octroyé. Le SG est tenu de loger au lycée (au début sans sa famille), il ne peut en sortir sans autorisation du proviseur ; c'est une sorte de ²garde-chiourme en chef². Il est chargé du bon ordre de l'établissement, de l'application du règlement et des sanctions, il est responsable de la discipline et des absences, des retards, de la tenue, de la propreté et de la politesse des élèves etc. Il assume le vilain travail répressif qui permet aux autres personnels de garder les mains propres. Il devient très vite objet de crainte, de mépris et souvent de haine de la part des élèves. Il n'est apprécié des enseignants et de ses chefs que dans la mesure où il réussit à maintenir une discipline ferme et sans discussion. C'est ainsi que se crée l'archétype du "surgé", personnage à la fois redoutable et ridicule, qui fera un sujet de choix pour quelques productions littéraires et pour nombre de bonnes histoires et de caricatures. La mission triste du surveillant général. Le SG tient le cahier des punitions, sanctionne pour tout le monde et veille à "l'application des peines". Il participe à l'attribution du tableau d'honneur en attribuant une note de conduite et s'il est membre du conseil de discipline, il est chargé de l'instruction des cas. Sa pratique professionnelle est sommaire, son objectif est le maintien des élèves dans la plus grande soumission (ce qui est une valeur d'époque où le disciple doit respecter le maître) en traquant le moindre esprit critique. La fonction va évoluer lentement pendant un siècle, suivant en cela l'évolution de la société et ce n'est qu'après la seconde guerre mondiale que la véritable transformation va s'opérer. C'est pourtant au SG, chargé de gérer les sanctions et de mettre en œuvre la discipline que l'on doit, pour beaucoup, le remplacement du clairon et du tambour par "la cloche" pour marquer les rythmes de la journée et la mutation des châtiments corporels (fouet et férule) ou d'ordre militaire (prison, salle de pénitence, piquet de punition, arrêts au pain sec et à l'eau, privation d'uniforme) en "pensums", retenues et privations de sorties. En substituant progressivement, aux sanctions physiques précédentes, les pensums liés à l'enseignement (recopies de pages de grec ou de latin, conjugaisons à "tous les temps et tous les modes"), le SG cherche à valoriser sa fonction et tente déjà de se rapprocher des enseignants. C'est après la deuxième guerre mondiale que le SG va se transformer.

LES ANNEES CINQUANTE

L'émergence d'un nouveau SG. Les années suivant la libération voient la France se reconstituer, c'est une période de reconstruction et de forte croissance. Cette renaissance concerne aussi le secteur de l'éducation. Il y a au moins un lycée par sous préfecture et souvent un cours complémentaire (qui est l'ancêtre du collège actuel) mais surtout on assiste à un rapide développement de l'enseignement technique public qui était, jusque là, marginal. Il est créé de nombreux centres d'apprentissage pour accueillir des jeunes en fin d'études primaires et leur donner une formation professionnelle de qualité, reconnue par un certificat d'aptitudes professionnelles (CAP) . Ces établissements, rebaptisés très tôt collèges d'enseignement technique (CET), disposent d'internats importants. Ils sont pourvus d'un poste de SG dit de CET. Comme les directeurs de CET n'ont pas d'adjoint, le SG en fait office la plupart du temps. Les SG de CET sont recrutés par liste d'aptitude ouverte aux bacheliers âgés de 28 ans ayant 5 ans d'ancienneté de service. Les SG de Lycée sont recrutés également sur liste d'aptitude ouverte aux licenciés, ayant 25 ans et une ancienneté de 3 années de service d'enseignement. Les SG deviennent animateurs dans les CET C'est, en effet, dans les CET, par des transformations progressives de pratiques professionnelles, que va naître une nouvelle espèce de SG. Outre l'aspiration plus ou moins explicite de ces "surgés" à améliorer leur image de marque, plusieurs causes sont à l'origine de cette évolution. La structure même des CET avec un très fort pourcentage d'internes (souvent largement supérieur à la moitié de l'effectif total). C'est le climat de l'internat qui s'impose naturellement à l'ensemble de l'établissement. L'organisation pédagogique dans les CET : avec les deux tiers de leur temps de présence réservés à la formation professionnelle pratique (atelier, technologie, dessin, etc.), les élèves n'ont que peu de travail personnel à faire et les longues heures d'étude indispensables aux lycéens sont inutiles et seraient insupportables en CET. Les difficultés de communication à cette époque obligent les internats à ne fermer qu'aux vacances trimestrielles. De nombreux internes passent le week-end dans l'établissement. L'apport des surveillants étudiants (maîtres d'internat notamment car il n'y a guère de nomination de surveillant d'externat), se destinant à l'enseignement qui remplacent progressivement les répétiteurs dont le corps va se trouver mis en extinction . La nécessité de donner des occupations aux internes pendant les temps libres va amener les SG à infléchir leur pratique professionnelle afin d'introduire des activités nouvelles de loisir ; ainsi, à côté des activités sportives, les activités socio-éducatives se développent rapidement car elles rencontrent la faveur des jeunes. Des enseignants et la quasi totalité des MI participent à l'encadrement de ces animation dont le succès est favorisé par l'absence de centres d'intérêt pour les jeunes en dehors de l'établissement. De plus, c'est à cette époque que commence le développement des colonies de vacances et des camps d'adolescents qui apportent aux jeunes des vacances que la plupart ne pourraient s'offrir. L'état fait un effort important en faveur des vacances de la jeunesse et donne des bourses et des subventions. Une association (loi 1901) est créée dans chaque académie pour coordonner ces activités : Association régionale des œuvres éducatives et de vacances de l'enseignement technique (AROEVET), qui a son siège au rectorat et pour président de droit l'Inspecteur principal de l'enseignement technique. Ces associations sont fédérées au plan national dans la FOEVET . Avec l'aide des AROEVET, des CET peuvent ainsi créer leur "camp d'ado" ou se grouper avec d'autres pour le faire ou participer aux centres de loisirs organisés par les AROEVET durant les vacances. L'encadrement de ces centres est assuré par les personnels, surtout des surveillants (presque tous titulaires du diplôme de moniteur de centre de vacances). Parmi les nouveaux SG, nombreux sont ceux qui ont obtenu la qualification de directeur de centres de vacances, et ils assurent, le plus souvent, la direction de ces centres de loisirs. La vie collective, pendant trois semaines, en camping, à randonner en montagne ou à faire du kayak crée des liens nouveaux et beaucoup de choses changent dans les relations entre les jeunes et les adultes. Cette qualité relationnelle nouvelle qui s'instaure ainsi en vacances a obligatoirement un écho sur le climat général de l'établissement à la rentrée. Les SG sont ainsi amenés à introduire des critères de qualité relationnelle et des débuts de dialogue dans leur pratique quotidienne ; ils prennent conscience que l'animation peut être utile et devenir instrument d'éducation. Ils favorisent la création de multiples clubs qui vont transformer en quelques années le climat de ces établissements mais qui vont aussi avoir un retentissement sur le "statut" des SG qui supportent de plus en plus mal le décalage de leur image ("mi-garde-chiourme, mi-homme-à-tout faire" de l'établissement) avec leur volonté de relation nouvelle avec les élèves et la perception de leur nouveau rôle.

LES ANNEES SOIXANTE

La fin du "surgé". Un instrument éducatif innovant : le FSE Vers la fin de la décennie cinquante la FOEVET propose de créer dans les établissements une association (loi 1901), appelée foyer socio-éducatif (FSE). La grande nouveauté de ce FSE est qu'il fonctionne sur le principe de la cogestion. En effet des SG et des enseignants s'aperçoivent que, dans les clubs notamment, il est possible de confier progressivement des responsabilités aux élèves à condition qu'elles soient à leur mesure et déterminées dans la durée. Chaque activité du FSE est élaborée et gérée sous la double responsabilité d'un élève et d'un adulte qui s'efface peu à peu. Les élèves participent aux instances dirigeantes du FSE avec un droit de vote comme les adultes. C'est une véritable révolution pour l'époque, mais où cela fonctionne, l'amélioration de l'ambiance est remarquable. L'usage de la cogestion n'est pas neutre. Il induit des relations de confiance réciproque qui favorise la qualité relationnelle et améliore le climat général de l'établissement. Les critères de référence ainsi que les pratiques professionnelles traditionnelles des SG sont ainsi bouleversés et profondément remis en cause dans les CET. Militants pour la plupart en faveur de ces moyens nouveaux d'éducation qui les gratifient, les SG de CET aspirent à un autre statut, ils le réclament par l'intermédiaire de leurs organisations syndicales. A cette époque de nombreuses associations d'éducation populaire offrent leurs services. Elles contribuent aux succès des activités socio-éducatives des CET par l'aide qu'elles apportent. Par contre, les lycées classiques et modernes ne ressentent guère le besoin de créer des FSE qui heurteraient habitudes et traditions. L'institution bouge. Mais l'institution évolue. Dans la première moitié de la décennie les collèges (CES) remplacent les cours complémentaires et ils se multiplient (pendant quelque temps, il a été inauguré l'équivalent d'un collège par jour). Ces collèges sont mixtes, ceux qui se trouvent en zone rurale sont souvent dotés d'un internat et on commence à y implanter des postes de SG de CET. Le ministère regroupe les directions des enseignements classique moderne et technique . Ce n'est pas sans signification ; il y a prise en compte de la dimension éducative, l'inspection générale de l'administration est dotée d'une mission "vie scolaire". Ce qui se passe dans les CET est jugé positivement, l'institution, qui en souhaite la généralisation, a mis en place des mesures d'incitation : ainsi, chaque année, tous les nouveaux recrutés, SG de CET comme de lycée sont conviés à suivre ensemble un stage de formation de 10 jours (en internat) avant de prendre leurs fonctions. Dans ces stages, dirigés par l'inspection générale, les CEMEA et la FOEVEN interviennent également dans la formation. Une circulaire vient, en 1965, apporter une certaine reconnaissance de l'évolution établie sur le terrain par les SG et, tout en leur maintenant la mission de "surveiller et punir", elle leur ouvre des domaines d'intervention nouveaux comme l'animation et l'action pédagogique et éducative (les SG de CET apprécient, les SG de lycée beaucoup moins). Les activités socio-éducatives s'essoufflent. Dans la seconde moitié de la décennie, les FSE se développent lentement sans parvenir à s'implanter dans la totalité des établissements (très peu dans les lycées) bien que la transmission du savoir ne soit plus la seule préoccupation. Les moyens de communication se multiplient et la population d'internes est en diminution forte et régulière. Des activités socio-éducatives, des organisations de loisir associatives ou municipales se développent dans les quartiers et dans les communes ; la sorte d'exclusivité ou l'avance que détenaient les CET dans ce domaine sont fortement concurrencés. Les SG constatent également un phénomène nouveau : l'ennui entre dans les établissements. Certains jeunes s'ennuient et commencent à l'exprimer explicitement, principalement en lycée. Ils expriment, en outre, des besoins de liberté et d'autonomie accrus. Ils critiquent davantage et le malaise va prendre progressivement de l'ampleur jusqu'au mois de "Mai 68" où les lycéens se précipiteront eux aussi, à la suite des étudiants, dans la rue pour le crier . Les SG sont déstabilisés par cet ennui qui se manifeste jusque dans les activités socio éducatives et mai 68 arrivera avant qu'ils n'aient pu adapter leur pratique professionnelle pour essayer de le prendre en compte. Ce mois de grande utopie mais aussi de grande générosité est pour beaucoup de SG l'occasion pour nombre, d'entre eux, d'une remise en cause grâce à ce dialogue qui s'instaure entre les élèves, les enseignants et les parents. Ils ne supportent plus leur statut de surveillant général et revendiquent leurs responsabilités éducatives. Leurs syndicats unanimes relaient cette revendication forte. Satisfaction leur sera donnée en 1970 par l'octroi de nouveaux statuts qui, officiellement, transforment enfin le surveillant général en personnel d'éducation.

LES ANNEES SOIXANTE DIX

Les héritiers. Déception et stagnation. Cette reconnaissance, dans le statut, de responsabilités éducatives est malheureusement vite remise en cause par la circulaire de 1972 qui, sous prétexte d'héritage, leur rappelle que si les CE/CPE ont une nouvelle mission, ils ne perdent pas pour autant le rôle et la place qui incombaient aux anciens SG. Il en résulte une déception et aussi un frein à la poursuite de l'évolution de leur pratique professionnelle. Pendant cette décennie, leur image ne se démarquera guère de celle du " Surgé ". Ils doivent néanmoins s'efforcer de faire face au désintérêt croissant des élèves pour les activités socio-éducatives, à leur attirance pour la politique ou les idéologies utopiques (séquelles de mai 68), à l'abaissement du seuil de la majorité à 18 ans qui augmente d'un coup le nombre de jeunes majeurs dans les lycées. Les CE/CPE commencent à valoriser le dialogue, ce qui n'est pas superflu car dans les lycées , la période est agitée (manifestations diverses et à répétition, notamment contre la "loi Debré". Les jeunes transforment leur relation à l'école, ils la désacralisent et la remettent en cause. Celle-ci sert de bouc émissaire, accusée par la société d'être responsable du malaise de la jeunesse. Les FSE qui ont été institutionnalisés par le ministre Edgar Faure sont en perte de vitesse et les activités socio-éducatives ne rencontrent plus la faveur des jeunes. Les CPE abandonnent progressivement l'animation pour des amorces de dialogue et de suivi personnalisé. Alors, arrivent les chocs pétroliers et la crise qui s'ensuit engendre le développement du chômage. Le doute et la crainte de l'avenir s'installent chez les adolescents. Leur désarroi grandissant finit par ternir le climat de la vie scolaire. A la fin de la décennie, les CE/CPE, mise a part la prise de conscience de l'importance du dialogue, ont peu évolué dans leur réflexion et dans leur pratique professionnelle. Ils constatent la fin des "idéologies utopiques" chez les jeunes et une généralisation de comportements désabusés. Ils vivent aussi fort mal leur métier car ils sont confrontés à un double malaise : les conséquences de celui de la jeunesse d'une part et, d'autre part, la difficulté de se situer professionnellement dans l'établissement avec une fonction réelle en décalage avec les textes qui la régissent. Sous l'influence vraisemblable des nouveaux recrutés par concours qui commencent à représenter une part importante de l'effectif, les CE/CPE recherchent une plus grande collaboration avec les enseignants et beaucoup commencent à désirer une assimilation complète aux catégories enseignantes. De toute façon, ils rejettent la définition de leur "mission" et réclament une nouvelle circulaire. L'expression d'un rejet et d'une impatience Durant la deuxième moitié de la décennie " 70 " et jusque en 1981, les personnels d'éducation vont avoir recours à l'expression publique de leur malaise. Ils veulent enfin obtenir davantage d'autonomie professionnelle et une réelle identité statutaire. Leur catégorie se compose alors de 1300 CPE, 1950 CE et de 1800 maîtres auxiliaires d'éducation (un pourcentage largement supérieur à la moyenne des autres catégories d'enseignants). A la fin de l'année scolaire 1977/1978 un groupe de travail ministériel chargé d'étudier les conditions de travail des CE-CPE échoue (blocage du syndicat des chefs d'établissement). Cet échec aura pour conséquence le déclenchement d'une grève de 48 heures (première grève catégorielle) les 15 et 16 septembre 1978 (jours de rentrée scolaire). Les thèmes d'un horaire de service hebdomadaire maximum, de la reconnaissance officielle de la rupture avec l'équipe de direction, de la résorption de l'auxiliariat et de l'amélioration de la formation, sont au centre des demandes. Ce mouvement qui implique le refus d'assurer la rentrée des élèves internes, moment d'importance considérable dans les établissements, témoigne d'une nouvelle étape dans la radicalisation de l'impatience de la redéfinition des fonctions. Un nouveau départ. Mai 1981, l'arrivée d'une nouvelle équipe gouvernementale a pour effet de relancer " l'espoir après un mauvais moment ". Renforcés par l'augmentation immédiate de 300% des postes mis aux concours de CE et de CPE, ces changements laissent espérer aux personnels une autre vision de leur place et de leur rôle dans les établissements scolaires. Mais le recrutement important de 1981 s'accompagne d'une mise en situation immédiate dans les établissements et de la réduction à 8 semaines du temps total de formation. Il en résulte de nouvelles manifestations de mécontentement mais bientôt des négociations aboutissent à la publication d'une nouvelle circulaire.

LES ANNEES QUATRE VINGT

Les conceptions nouvelles du métier. La circulaire 82-482 est un texte libérateur pour les personnels d'éducation. Elle donne une définition riche et généreuse de cette vie scolaire : " placer les adolescents dans les meilleures conditions de vie individuelle et collective et d'épanouissement personnel ". Elle rompt avec l'héritage du " Surgé " en donnant aux CE/CPE une mission d'éducation et une place de choix en recentrant : " l'ensemble de leurs missions dans le cadre de la vie scolaire ". Cette circulaire introduit également une clause radicalement "moderne" quant à l'exercice du métier : la fixation d'un " maximum horaire hebdomadaire ". Cette décision marque la rupture entre les CE/CPE et le personnel de direction. Elle signe la reconnaissance d'un métier à part entière. La circulaire les invitant à l'innovation, les CE/CPE vont montrer tout le long de cette décennie, avec une présence sur tous les fronts, une facilité d'adaptation et un accroissement de leurs compétences professionnelles qui aboutira à la reconnaissance de leur fonction par les élèves puis par les parents, les enseignants, les médias et les chercheurs en sciences de l'éducation. Ils investissent l'espace-temps "vie scolaire" de l'établissement jusqu'à en devenir les spécialistes et l'identification sera complète lorsque le cadre dans lequel ils travaillent sera reconnu comme le " service vie scolaire " de l'établissement. La démocratisation et la massification de l'enseignement génèrent un nombre croissant d'élèves en difficultés scolaires ; les CE/CPE développent alors une fonction de suivi et d'aide personnalisée dans la pratique quotidienne ; ce qui les amène à une plus grande collaboration avec les enseignants. Les difficultés psychologiques et familiales s'ajoutant souvent au difficultés scolaires, les élèves recherchent des interlocuteurs et trouvent les CPE, qui généralisent la fonction d'écoute dans leur activité professionnelle. Le problème du chômage apparaît sans solution ; à la recherche de remèdes, l'institution demande aux élèves (à ceux qui sont en difficulté notamment) de réfléchir très tôt à un projet professionnel. Le ministère mobilise également les personnels d'éducation pour qu'ils apportent leur aide à la réalisation des projets personnels des élèves. La loi d'orientation confirme et conforte les CE/CPE dans leur mission d'éducation et d'accompagnement des adolescents. L'image des personnels d'éducation est devenue positive.

LES ANNEES QUATRE VINGT DIX

L'entrée en pédagogie Cette décennie commence avec l'entrée, si longtemps réclamée, des CPE en IUFM. Le corps des CE a été mis en extinction et il y a unification progressive au plus haut niveau. La formation initiale semblable à celle des enseignants, dans un lieu commun qui préfigure une collaboration toujours plus grande avec eux, les CPE (recrutés à présent au même niveau, avec le même déroulement de carrière) deviennent de plus en plus proches des professeurs. Certains envisagent déjà la fusion dans leur catégorie avec CAPES et agrégation d'éducation. A présent, bien reconnus et bien implantés dans les établissements, les CPE sont encore sollicités par des situations nouvelles qui vont demander des adaptations professionnelles avec les jeunes car le nouvel objectif attribué à la "vie scolaire" est de favoriser l'accession à la citoyenneté . Ce concept prend le pas sur celui de socialisation. Les CPE y apporte leur large contribution mais trois problèmes restent posés : Avec le chômage qui perdure et la pauvreté qui croit, le besoin d'écoute augmente sans cesse, le système éducatif doit faire face au "mal être" des adolescents ce qui confronte le CPE à une sorte de "péril d'absorption sociale". Les élèves devenant des "consommateurs d'écoles", certains se livrent à un absentéisme inquiétant par son ampleur ; la communauté éducative ne sait comment y remédier. Le CPE, malgré sa volonté de dialogue, ne peut résoudre que quelques cas particuliers. La violence est souvent à la porte de l'école et parfois à l'intérieur. Elle fait naître des besoins et des demandes de sécurité. Le CPE est également confronté à ce grave problème. Ces difficultés et notamment la demande sécuritaire sont actuellement toujours sans réponse et la tentation est grande à l'école comme dans la société de chercher des boucs émissaires ou de rêver à un vrai surveillant général musclé capable de remettre à lui tout seul de l'ordre dans la maison. Ce remède serait illusoire tant l'époque, et surtout les élèves, sont différents (A noter que la catégorie des CPE est à présent majoritairement féminisée). Si des solutions sont à rechercher, c'est vers un travail en commun et la vigilance de tous qu'il faut regarder en mobilisant non seulement l'ensemble de la collectivité scolaire mais aussi les partenaires extérieurs de l'école. Cela dit, ce grave problème de la sécurité reste posé. Aujourd'hui, alors que leur rôle est reconnu par l'ensemble des membres de la communauté éducative, en particulier par les parents, une autre question se pose avec acuité : Comment concevoir une véritable action de suivi éducatif lorsque, dans un collège, un CPE assume la responsabilité de cinq cents ou sept cents pré-adolescents et adolescents ? Les adaptations professionnelles aux exigences de la situation passent aussi par les effectifs. Pour l'institution, il s'agirait d'une occasion manquée que de ne pas donner à ce professionnel de la relation, à ce spécialiste de la médiation, les moyens nécessaires à sa fonction.

Pierre SERAZIN

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