L'hypocrisie scolaire

 

Voici les notes prises par une étudiante, Sandrine à l'occasion de la conférence prononcée par François Dubet.

Introduction : La représentation historique de l'évolution du système éducatif se fait de deux manières. Tout d'abord, elle commande l'hypocrisie scolaire, puis, elle renvoie au déclin de l'institution. Nous débattrons sur le collège unique et l'actualité. L'histoire scolaire et la massification Première caractéristique : une sélection sociale Notre système scolaire a longtemps été clivé socialement et scolairement. Je prendrais mon expérience comme exemple : J'étais dans une petite ville où on allait tous à l'école primaire. La bourgeoisie locale allait dans la section primaire au lycée. Dans ce système, il y a une sélection sociale et, les plus valeureux passerons le bac. 1958 : mon entrée en sixième 1964 : baccalauréat 12% d'une classe d'âge (Ca) a passé le bac, ce qui représente aujourd'hui le pourcentage en classe préparatoire. 1945 : 6% d'une Ca passait le bac Aujourd'hui, 65% d'une Ca passe le bac. On note un changement considérable. A la fin de la maternelle, on repérait ceux qui savaient lire de ceux qui ne savaient pas (6 ans). On constituaient la classe de CP fort et la classe de CP faible (50%/50%). A la fin du CE2, on faisait passer un examen d'entrée en 6ème (25% d'une Ca en 6ème). Un tiers disparaissait et 15% passaient le bac. De plus, dans ce système là, les filles et les garçons étaient séparés. Les garçons pouvaient avoir des femmes comme enseignant, mais les filles ne pouvaient pas avoir d'homme comme enseignant. Deuxième caractéristique Le système qui était malthusien (élimination des plus faibles) distribuait peu de diplôme car on n'accédait pas à un emploi grâce à un diplôme (un fils de paysan devenait paysan). La culture scolaire n'avait pas à répondre à l'intégration sociale. Troisième caractéristique Le système était centré sur l'apprentissage. Avant, le ministère était le ministère de l'instruction. On avait imposé le système républicain contre l'église et la famille. Ce système rigide tel que le maître fait la classe, laissait l'éducation et la morale à la charge de la famille et de l'église. A l'école, jamais on appelait les enfants par leur prénom = intimité La massification Changement du mécanisme On passe d'une sélection en amont à une sélection en continue. En terme de justice, cela paraît bien mais l'école est une machine qui intègre et qui exclue aussi, d'où un désenchantement. Il y a un accroissement de l'offre (plus de personnes ont le bac). La sélection est entrée dans l'école et donc on a un double mouvement. plus de diplôme l'école fait "le sale boulot" Pour expliquer ce mécanisme, on peut faire une métaphore de cette idée : Avant c'était un système de championnat et tout le monde participait à son propre niveau. Aujourd'hui c'est un système " Rolland Garros " où tout le monde joue ensemble mais à chaque tour, la moitié meurt. On note plus de démocratisation mais aussi plus de sélection. Dans les deux systèmes ont crée des inégalités différentes. Traduction schématique Dans cette école républicaine, on crée une justice dans un monde injuste. L 'école accélère les inégalités mais on nie ce problème. Le système s'est formidablement diversifié (70 formules de bac). De plus, on a un Marché Scolaire avec cette hétérogénéité. On dit " nous sommes la même école " tout en sachant qu'il existe deux types d'école. Aujoud'hui Peuple écart Bourgeoisie % de réussite global 50%100 80%100 Epreuve en 5ème 50% 1.3 80% Epreuve en 3ème 25% 64% Epreuve bac 12.5% 50% Etude supérieure 6% +6 40% Changement de nature L'école démocratique de masse engendre une compétition scolaire. L'arrivée massives des notions de : l'enfance, l'adolescence, des problèmes sociaux pose un souci pour participer au jeu scolaire. Car avant, on s'adressait à l'élève et on laissait ses problèmes, ses marques d'appartenance, à l'extérieur de l'école. Aujourd'hui, en en tenant compte, on provoque une dérégulation de la connivence pédagogique. Exemple : 1960 : Les modes, les fans...restaient aux portes du monde scolaire. Aujourd'hui, tous ces " nouveaux lycéens " ont des difficultés à comprendre les codes scolaires. pas d'allant de soi culturel pas d'intérêt sain d'études Eloignement de l'utilité et des bénéfices des études En quoi ce que l'on apprend à l'école, culture scolaire, permet il de se développer ? Les dérégulations Pour connaître un monde plus grand, avant on avait le choix entre l'école et l'école ! Exemple : la géographie était vécue comme de la poésie car l'école avait le monopole de la culture. Aujourd'hui, Internet, la TV... l'enfant grandit et comprend le monde hors de l'école. Exemple : le cinéma organise la nature du récit (flash back, ellipse...) La plus grande partie du problème de la dérégulation est le résultat du processus que nous avons voulu, mais surtout que nous ne voulons pas changer. (Tout le monde veut une voiture = embouteillage) Il existe une mécanique et une obstination de pouvoir (du plan Langevin-Wallon jusqu'à Jack Lang ) de manière continue. L'affirmation du collège unique d'Haby n'est pas une rupture dans les volontés, mais est ce que tout s'effondre ? Aujourd'hui, il paraît plus difficile d'être professeur même si le niveau ne s'est pas effondré. De plus, la violence n'est pas universelle, il y a un basculement, une interprétation, une " pathologisation " du concept (violence/chahut). L'hétérogénéité, la sélection par l'échec sont autant de préoccupation. On est dans un système qui rencontre des problèmes. La massification scolaire est un changement de nature de l'école et surtout ne pas penser que c'est la même école en plus grand (ref. HISTIORE DES INSTITUTIONS). Dans le secondaire c'est la clach ! Il y a vingt ans on passe 4 ans au collège et on se pose les questions suivantes : Est ce que le collège est le prolongement de l'école primaire ? école élémentaire impose le modèle Est ce que le collège est la continuité du lycée ? on a choisi cela ! Au nom de quoi, privions-nous le peuple de la culture ? On a pris un modèle qui correspondait à 20% de la population et on l'a interprété comme une NORME EDUCATIVE POUR TOUS. L'idéal éducatif correspond donc au premier cycle du lycée. On note une tension entre un mode de sélection des professeurs (agrég) et des élèves loin de ce modèle. Soit on maintient les conditions de ce modèle et on sélectionne les élèves ou soit on garde tous les élèves et on change le modèle (hypocrisie scolaire). Le fonctionnement réel ne correspond à ce que l'on affiche te ce que l'on fait. Transmission du savoir vers le travail social. Ce qui conduit à faire le contraire de ce que l'on souhaite et de ce que l'on affiche. La crise du collège n'est pas un échec (élèves progressent un peu...). la souffrance des élèves se traduit par la délinquance la souffrance des professeurs se traduit par les syndicats Dans ce mécanisme, on a une sélection par l'échec qui provoque une image négative de soi. Que les enfants d'ouvriers deviennent des ouvriers ou que les enfants de cadres deviennent des cadres, ce n'était pas un problème avant mais que l'on humilie les enfants d'ouvriers qui deviennent des ouvriers, c'est le problème de l'école. On assiste à différents comportements : violence, ne joue plus le jeu de l'école ou fait semblant. Les malheurs de l'école sont des produits que l'école a engendrés. L'idée est que toute difficulté scolaire s'explique par une difficulté hors de l'école. C'est une dimension explicative tragique. La boite à Pandore : les élèves sont étalonné en fonction d'eux même. Quelque soit l'établissement, il y aura toujours un tiers des élèves qui sont plus faibles.

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