Les effets de structure sur les pratiques professionnelles

 

Par M. DAVIAUD, le mardi 19 mars 2002

Introduction : Lors de différentes réunions et assemblées générales rassemblant des CPE , il ressort souvent deux affirmations contradictoires : " On fait tous le même métier " " On fait tous un métier différent " Alors le CPE exerce-t-il un métier ou n' a-t-il que des fonctions ?
En fait la différenciation ressentie par les CPE est liée à plusieurs facteurs :
-La nature de l' établissement :collège, lycée, LP, existence d'un internat, …
-La situation de l' établissement :ville, campagne, centre ville, banlieue, …
-La personnalité des acteurs :Chef d' établissement, collègues CPE, …
-Les choix éthiques des acteurs

Dans ce cas, la formation des CPE ne doit-elle pas reposer sur " une formation à l' adaptation " à tous ces facteurs ? Alors il suffirait d'avoir de la souplesse (ou adaptabilité ) et un peu d'intelligence pour être un bon CPE ! Si la pratique professionnelle se résume à une simple personnalité et si la seule perspective de carrière est de devenir chef d'établissement, être CPE n'est alors qu'une fonction transitoire et ne peut plus être considérée comme un métier .
L'enquête de la DEP datant de 1996 nous révèle que la moitié des CPE pensent qu'ils n' ont pas de fonction précise dans leur métier et leur profession est plus liée à l' établissement et à leur personnalité. 30% d'entre eux pensent que leur fonction n'est pas définie par les textes . Jean-Pierre OBIN analyse différents comportements éthiques dans l' ouvrage d'Alain BOUVIER 'Les Eclairages métaphoriques à l' usage des CPE' . L'approche structurale du métier ne peut être que schématique et ne détermine que des tendances .


1) Quand le CPE est seul dans son établissement : Quand il est responsable de " tout ", n'est-il pas alors responsable de " rien " ? Quand il doit s'occuper de tous les élèves, n' est-il pas dans l' incapacité d'en suivre vraiment aucun ? Quand il doit aller à tous les conseils de classes mais qu'il n'a pas le temps, pourquoi en privilégier un par rapport à un autre ? L' activité du CPE solitaire le pousse plus facilement à devenir un surveillant général, un homme à tout faire… Cependant il y a un certain confort à être seul , le pire ennemi pouvant être quelquefois son propre collègue ! En étant seul, il faut donc apprendre à déléguer mais la globalité de la fonction ne peut être assurée .


2) Quand il y a plusieurs CPE : Que se partagent-ils ? L' espace, le temps, les élèves(cf. Tableau VI de l'enquête de la DEP) Doivent-ils assurer la continuité du service ou assurer le suivi des élèves ? Est-ce le temps qui est au centre du système ou est-ce les élèves ? Il existe un paradoxe : alors que le constat du terrain va plutôt dans le sens d'un simple partage du temps, les CPE sont les premiers à revendiquer que le suivi des élèves est une priorité !
a) L'espace partagé : Chaque CPE est responsable d'un sous-ensemble géographique : il devient responsable des locaux et non des personnes, il effectue alors plutôt une activité de surveillance , ce qui se pratique beaucoup dans les grandes cités scolaires . Dans ce cas n'est-il pas de nouveau seul ? Change-t-il de métier en déplaçant sa salle de travail ?
b) Le temps partagé : Quand les CPE sont regroupés dans le même " pool ", souvent dans le même bureau avec quelques fois des surveillants , ils peuvent alors se succéder en fonction des jours :ils assurent alors une sorte de " permanence " comme dans un commissariat, c'est l'évènement qui dicte l' activité du CPE. L' objet est de répondre au coup par coup, c'est le temps qui crée le travail. Dans ce cas, l'usager ignore au départ à qui il va s'adresser, les CPE deviennent interchangeables. On est alors dans un dispositif d'urgence, le contenu du métier échappe au CPE.(cf. question 21 de l' enquête de la DEP) c)
Quand les CPE se partagent les élèves : Suivant les niveaux : L' établissement se trouve découpé en " collèges " séparés. Chaque CPE est autonome, il devient un expert, un spécialiste, un " petit chef ", il sait tout sur son niveau (rien sur les autres ?) .On peut se demander alors quel est le mode de sélection entre les niveaux . L' élève change chaque année de CPE alors que celui-ci acquière un savoir intransmissible , l'acquis du quotidien étant énorme . L' activité du CPE n'est-elle pas alors centrée sur l' administratif, sur l' organisation de son niveau (Ravel, commission de recrutement, bac etc. ). La routine et les œillères le guettent même s'il est souvent apprécié pour sa compétence et qu'il n' a pas beaucoup de heurts avec ses collègues enseignants . Et même si en étant sur des niveaux fixes , on essaie de communiquer le maximum d'éléments concernant les élèves, on ne peut pas passer son temps à discuter des élèves que les collègues n' ont pas en responsabilité cette année-là. En Suivi de cohorte : On suit les élèves de leur entrée dans l' établissement à leur sortie, où chaque année , le CPE doit se former à un nouveau niveau. Chaque année c'est un enrichissement de la fonction. C'est le système le plus pédagogique et le plus éducatif . Niveau fixe à Efficacité DU niveau Suivi de promotion à Réussite de l' individu La compétence du CPE à La connaissance de l' élève En suivi de cohorte, le CPE est contraint de donner un véritable contenu éducatif à sa fonction, d' en faire un vrai métier . Mais attention aussi aux limites : être l' avocat des élèves devient le défaut ainsi que le risque de maternage, de l' affectif , la limite étant d'éduquer sans materner . Et les redoublants ? On peut considérer que de changer de CPE est alors une chance puisqu' ils viennent de subir un échec avec " leur " CPE . Et si il y a un inefficace parmi les CPE ? Les élèves l' auront donc tout le temps de leur scolarité dans l' établissement ? En lycée, quand les CPE s'occupent de niveaux fixes, en général le CPE le moins compétent s'occupe du niveau des 1ères ! En fait il n' y a que dans le suivi de cohorte que la compétence du CPE est discutée, dans tous les autres systèmes, on n' en parle pas ! C'est donc en suivi de promotion que le CPE peut prouver son efficacité , donc sa compétence ! !

Petit exercice de Mathématiques : Dans un lycée de 1200 élèves avec 3 CPE . Combien d' élèves chaque CPE suit-il en 3 ans ? Réponses : En suivi de cohorte à 400 à 500 élèves En niveau fixe à 1200 élèves Sans partage des élèves à 2000 élèves En collège, à 2 CPE, le suivi de cohorte peut prendre cette forme : La première année , le 1er CPE s'occupe des classes de 6ème et de 4ème alors que son collègue est responsable des 5ème et des 3ème . La deuxième année, le 1er CPE aura donc les 5ème et les 3ème et son collègue les 4ème et les 6ème . En lycée, à 3 CPE, chacun suit un niveau par an .

Conclusion : Les choix que nous pouvons faire ou qui nous sont imposés ont une réelle importance dans la façon d' exercer notre métier . L' approche systémique ou structurale n' est pas la seule qui existe, il y a aussi une approche sociologique ( âge, etc. ) . Mais dans un système de relations humaines aussi complexe qu' un établissement scolaire, la présence d' un CPE-victime est souvent le symptôme d'un dysfonctionnement de l' établissement tout entier ?Il est alors le porteur de la plainte généralisée comme le mauvais élève est indispensable pour sa classe ! Définition de la systémique : Les organisations et les groupes humains représentent des systèmes qui ont des histoires. La systémique analyse le rapport des éléments entre eux qui a autant d'importance que les éléments eux-mêmes .

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