RAPPEL DU SUJET
On peut lire dans le dernier rapport du Commissariat général du Plan, dans le chapitre traitant de la politique éducative :
" L’hétérogénéité des origines socioculturelles des jeunes, entraînée par la croissance massive de la scolarisation, ne doit pas être considérée, pour la période d’obligation scolaire au moins, comme un facteur produisant automatiquement l’échec ".
Partagez-vous ce point de vue ?
BIEN COMPRENDRE LE SUJET POUR BIEN LE TRAITER,
QUELQUES CONNAISSANCES INDISPENSABLES
Il faut tout d’abord remarquer que la phrase citée est extraite du rapport du Commissariat général du Plan, c’est-à-dire d’un organisme extérieur à l’Éducation nationale (voir document ci-après). Le rapport publié par le Commissariat analyse et évalue les stratégies et les résultats des politiques du gouvernement dans les grands domaines de la vie nationale. Il répond aussi à des préoccupations budgétaires en observant " la productivité " des dépenses publiques : les résultats obtenus sont-ils à la hauteur des efforts consentis par la collectivité nationale ? Et de ses attentes sociales ? Il alimente donc le débat sur la problématique de l’obligation de résultats, y compris pour la politique éducative de l’État.
L’extrait du rapport sur la politique éducative relève une des grandes difficultés auxquelles est confrontée l’Éducation nationale : la massification de la scolarisation et la conséquence évidente de celle-ci, l’hétérogénéité des élèves.
Le problème de la massification n’est pas nouveau puisque l’école élémentaire en devenant publique, gratuite et obligatoire, accueille tous les enfants depuis la fin du siècle dernier.
Les collèges (voir le chapitre du cours qui leur est consacré), scolarisaient aussi tous les jeunes jusqu’à l’âge de 14 ans dès les années 50, dans leurs différentes filières (CEG, petites classes de lycée, puis CES). Ils avaient dû faire face au début des années 60 à l’arrivée des classes démographiques particulièrement nombreuses du " baby-boom " et à l’allongement de la scolarité obligatoire jusqu’à 16 ans (en 1959).
Ce qui a tout compliqué, sans aucun doute, c’est la création du collège unique en 1975 (réforme HABY). Un bouleversement (sans préparation des personnels) : tous les jeunes entrent en sixième dans le même type d’établissement.
Ce qui change aussi, c’est le nombre d’élèves poursuivant leurs études au delà de l’âge de la scolarité obligatoire, nombre en constante augmentation et conséquence directe de la crise de l’emploi qui frappe d’abord les jeunes. Là ce sont les lycées qui se trouvent confrontés pour la première fois au phénomène de la massification.
Ce qui a changé enfin c’est la notion d’échec scolaire, où se mêlent l’inadaptation d’une certaine proportion (sans doute incompressible) d’élèves au système scolaire et plus particulièrement au collège unique ; les insuffisances réelles de l’École pour remplir sa mission d’instruction et d’éducation de masse et répondre rapidement et efficacement aux attentes de ses publics ; les effets conjugués de la crise économique et de la crise sociale (chômage, précarité, éclatement des familles, ...) qui alourdissent le rôle de l’École et complexifient ses missions.
Ces deux données, massification et hétérogénéité, alimentent le débat interne du milieu éducatif depuis trois décennies.
Toutes les réformes engagées depuis, la loi d’orientation du 10 juillet 1989 en particulier, tentent de répondre à ce véritable défi : accueillir tous les jeunes jusqu’à l’âge de seize ans et leur faire acquérir tous les savoirs nécessaires pour poursuivre leurs études ou leur formation. Avec un objectif supplémentaire : réussir leur insertion professionnelle.
Défi d’autant plus redoutable que le niveau de formation doit être élevé – 80 % d’une tranche d’âge au niveau du baccalauréat – et que le seuil minimum de résultat est nettement indiqué : aucun jeune ne doit sortir du système éducatif sans qualification, titulaire au moins d’un diplôme de niveau V (BEP ou CAP).
Pour atteindre ces objectifs, et parallèlement aux réformes engagées, la collectivité nationale – l’État –, consent des efforts considérables. Le budget de l’Éducation nationale est le premier budget de l’État :
– La France consacre 7,3 % de sa richesse nationale à l’ensemble de son système éducatif : 600 milliards de francs par an, soit 10 000 francs par habitant.
– En francs constants, la dépense moyenne par élève est passée de 21 400 francs en 1975 à 35 700 francs en 1997, soit 67 % d’augmentation en 22 ans !
– Et pour remplir sa mission d’éducation, l’État emploi 1 300 000 personnes.
De leur côté, les collectivités territoriales, communes, départements, régions, affectent une part importante de leurs ressources à la construction, la rénovation et l’entretien des écoles, des collèges et des lycées.
Alors, compte tenu de tout cela, le système éducatif remplit-il correctement sa mission et répond-il aux attentes des Français (parents d’élèves et contribuables) ?
Pour une grande part, certainement.
Toutes les couches sociales ont bénéficié de l’allongement de la scolarité, au delà de sa durée obligatoire, ainsi que de l’élévation du niveau de formation.
Si en 1984, 35 % de l’ensemble des jeunes de 20-21 ans parvenaient au niveau du baccalauréat, ils étaient 68 % à atteindre ce niveau en 1998 !
Ce bond quantitatif et qualitatif est bien réel mais le discours sur l’échec scolaire, voire sur l’inadaptation ou l’inefficacité du système scolaire reste vif. C’est que les chiffres, qui pourraient traduire dans leur globalité une certaine réussite en même temps qu’une réelle démocratisation du système garantissant l’égalité des chances à tous les jeunes, cachent bien des disparités...
Si prés de 90 % des enfants des milieux socioprofessionnels les plus favorisés accèdent au baccalauréat, les enfants d’ouvriers ne sont que 58 % à y parvenir (mais ils n’étaient que 20 % en 1984).
D’autre part, il est intéressant d’examiner en détail quels sont les baccalauréats préparés ? Sans développer ici, disons que les élèves issus des classes sociales supérieures se retrouvent surtout dans les sections conduisant aux grandes écoles et aux études universitaires longues ; les élèves issus des classes sociales les moins favorisées sont majoritaires dans les sections technologiques ou professionnelles conduisant à des études supérieures courtes. D’ailleurs, si 80 % des enfants de cadres, professeurs, professions libérales, etc., sont diplômés de l’enseignement supérieur, ils ne sont que 20 % d’enfants d’ouvriers à l’être (voir le n° 8 de l’état de l’École – octobre 1998 – édité par le ministère de l’Éducation nationale). Nous arrivons là cependant à un élargissement sans doute excessif de la notion d’échec scolaire !
Il faudrait encore examiner les taux d’accès à l’emploi et les types d’emplois occupés à l’issue de la scolarité et des études pour avoir une idée plus précise de l’efficacité du système éducatif en matière d’insertion professionnelle et d’égalité des chances. Mais ce serait là nous écarter un peu plus du sujet qui, rappelons-le, concerne essentiellement la période d’obligation scolaire, c’est à dire surtout, l’école élémentaire et le collège.
Il était cependant nécessaire, pour bien traiter le sujet, d’évoquer le devenir des élèves après leur temps de scolarité obligatoire, de rappeler les coûts de l’enseignement en France et de relever quelques indicateurs statistiques qui n’échappent pas à l’examen des commissaires du Plan.
Et l’un de ceux-ci peut paraître accablant pour le système éducatif : 110 000 jeunes terminent leur scolarité, sans aucun diplôme ni qualification et 90 000 élèves de lycée professionnel interrompent leurs études sans passer le CAP ou le BEP. Nous avons donc là, chaque année, 200 000 laissés pour compte qui sont issus, dans leur très grande majorité, des groupes socioculturels les plus défavorisés : parents chômeurs de longue durée, immigrés, RMistes, etc.
PROPOSITION DE PLAN
INTRODUCTION
– Présenter le sujet : le commissariat général du Plan.
– Poser la problématique : le système éducatif français peut-il surmonter le double obstacle de la massification et de l’hétérogénéité ? L’échec scolaire est-il une fatalité ?
Le thème central du sujet proposé est l’échec scolaire et ses causes présupposées qui, à les admettre, conduisent à la démission " puisqu’il n’y a rien à faire ".
PREMIÈRE PARTIE
– Expliciter " l’hétérogénéité des origines socioculturelles " des élèves.
Accueil des jeunes de tous les milieux sociaux (riches, pauvres, etc...) et culturels (étrangers compris) à l’école primaire, au collège et au lycée : les handicaps des plus défavorisés (accompagnement scolaire déficient par les parents, difficultés de compréhension de la langue par les élèves de familles immigrées, poids des difficultés économiques et sociales des familles sur la scolarité de leurs enfants, etc.).
– Expliciter la " croissance massive de la scolarisation ".
Rapide historique ( la démographie, le " collège unique ", etc.)
– Expliciter la notion d’échec scolaire.
Faible maîtrise des apprentissages fondamentaux : difficultés en lecture, en écriture, ...difficultés de compréhension et de communication. L’accumulation de ces difficultés tout au long de la scolarité aboutit à une situation d’échec scolaire profond se transformant même parfois en refus scolaire (indiscipline, violence, ...).
Seule une petite minorité d’élèves présente dès le début de la scolarité des déficiences intellectuelles. Il existe pour eux des structures d’enseignement adapté.
Pour l’immense majorité, l’échec scolaire n’est pas inné ou inéluctable. Des handicaps familiaux, sociaux ou culturels existent mais c’est à l’École, là où l’échec scolaire naît et se développe, qu’il appartient de les compenser.
DEUXIÈME PARTIE
Votre point de vue ?
– Il n’est pas possible de ne pas souscrire à l’analyse du commissariat général du Plan.
Pourquoi ? :
• Accepter la fatalité de l’échec scolaire serait admettre que l’École de la République puisse faillir à sa mission : instruire, éduquer, intégrer. Ce serait ignorer la loi.
Rappel de la loi d’orientation du 10.07.1989 :
Article 1 : " Le droit à l’éducation est garanti à chacun afin de lui permettre de développer sa personnalité, d’élever son niveau de formation initiale et continue, de s’insérer dans la vie sociale et professionnelle, d’exercer sa citoyenneté ".
• Considérer que l’échec scolaire ne peut être évité et efficacement combattu reviendrait à supposer, au pire, qu’il existe des déterminismes sociaux de la réussite et de l’échec ; au mieux, que l’École est irrémédiablement inapte à s’adapter à son époque et à trouver les bonnes solutions.
– Mais les difficultés sont bien réelles et difficiles à surmonter.
Évoquer ici le travail des maîtres et des professeurs pour faire progresser toute une classe, trouver le temps et avoir les compétences nécessaires pour soutenir les élèves en grande difficulté sans pénaliser les meilleurs, etc. ...
Évoquer le rôle du conseiller principal d’éducation dans l’équipe éducative et sa participation à la prise en charge des problèmes liés à l’hétérogénéité et à la massification (relation avec les familles, actions sur le cadre de vie et de travail dans l’établissement, contrôles, aide au projet personnel, ...).
– Le débat en cours sur " Le collège de l’an 2000 ".
(Voir le cours sur le cadre fonctionnel du système éducatif).
Il est évident que le système éducatif a depuis longtemps pris en compte l’incontournable obligation de résultats dont la nation ne peut le dispenser.
CONCLUSION
Toutes ces tentatives de réduire l’échec scolaire – et la persistance du problème – montrent bien que le pari d’une école pour tous et de la réussite pour tous est très difficile à tenir. Des résultats ont été obtenus (l’élévation général du niveau, etc...), des batailles ont été gagnées mais la guerre continue. Elle exige la mobilisation de tous les acteurs du système éducatif, parents d’élèves compris, mais aussi le soutien et la confiance de la collectivité nationale.
Réduire de manière significative l’échec scolaire dès l’école élémentaire et au collège, diversifier les voies de la réussite (développement de l’enseignement technique et professionnel), nous ramène à l’enjeu fondamental de l’école républicaine et de notre système démocratique : l’égalité des chances.
Des erreurs qu’il fallait éviter :
Rédiger un devoir ne traitant soit que de l’hétérogénéité des élèves (devoir de sociologie) ; soit ne traitant que de la massification et dérivant sur un devoir sur la démocratisation de l’enseignement et l’égalité des chances.
QUELQUES TEXTES ET DOCUMENTS COMPLÉMENTAIRES
Document 1 : Commissariat général du Plan.
Document 2 : " Publications ".
Document 3 : " La scolarisation dans les milieux difficiles ".
Document 4 : Solidarité, sécurité au cœur du Pacte scolaire.
Document 5 : " L’École ou la guerre civile ".
Document 6 : L’enseignement de masse en quelques chiffres.
Document 3 : LA SCOLARISATION DANS LES MILIEUX " DIFFICILES "
POLITIQUES, PROCESSUS ET PRATIQUES
Agnès Van Zanten, INRP
L’auteur, chargée de recherches au CNRS, poursuit sur le terrain l’exploration des relations de l’école et de ses contextes.
Agnès Van Zanten ne voit pas encore les effets de la discrimination positive pour lesquels les ZEP auraient été créées : le nombre des élèves en difficulté y stagne, voire augmente, notamment au collège où l’objectif du maintien d’une paix scolaire précaire se substitue à la réduction des inégalités. Or cet objectif n’est pas en soi un facteur de réussite dans les apprentissages des élèves.
Elle constate aussi qu’en milieu difficile, tous les types de difficultés se concentrent et s’aggravent, en partie du fait des stratégies familiales de choix et d’évitement des établissements scolaires. Cette stratégie favorise les enfants qui réussissent à échapper aux classes dévalorisées, mais les résultats d’ensemble de ces classes devenant moins bons, cette stratégie pénalise particulièrement les enfants les plus modestes.
Agnès Van Zanten est convaincue qu’il n’y a pas de réponse à la question des milieux scolaires difficiles hors d’un contexte national. On ne peut attendre des établissements la résolution locale de problèmes politiques réputés insolubles nationalement.
Agnès Van Zanten montre enfin que les pratiques pédagogiques font de la diversité des élèves, tantôt un instrument de ségrégation et d’inégalité, tantôt contribuent, en s’appuyant sur elles, à introduire de nouvelles formes de justice scolaire et sociale.
Cette guerre, nous disent les deux auteurs, se livre des deux côtés de la fracture sociale.
Tous les efforts des acteurs de l’éducation, doivent tendre vers la socialisation et l’enseignement des inaptes, des fragiles, des marginaux, pendant leur scolarité obligatoire. On s’occupera de l’élite après, passés ses seize ans …
Le mal de l’école que décrit Philippe Meirieu est profond : les apprentissages premiers servent d’autres fins qu’eux mêmes. Apprendre à lire c’est s’approprier du sens, c’est aussi apprendre plus vite ou moins vite que les autres. Apprendre à écrire, c’est apprendre à communiquer mais c’est aussi faire des fautes vite transformées en instruments d’orientation, de relégation et d’exclusion.
Rompre avec ces dérives est pour Philippe Meirieu un choix politique, celui de la démocratie à l’école. Il rappelle que l’école de Jules Ferry était républicaine et patriotique mais qu’elle n’était pas démocratique. Elle se dressait contre les curés, contre les patrons, contre l’Allemagne (l’ennemie héréditaire), contre la subversion (" les rouges "), mais elle ne recherchait pas l’égalité sociale.
Le grand principe de la nouvelle école obligatoire selon Philippe Meirieu, consiste à assumer sans honte et sans réserve la scolarisation de tous les jeunes de trois à seize ans. Il ne doit plus y avoir ni exclusion, ni ségrégation (y compris professionnelle) dans les établissements et dans les classes.
En classe, c’est la pédagogie qui fait la différence ; elle doit être différenciée autour de programmes-noyau
Philippe Meirieu pense enfin qu’il n’est pas possible de soumettre l’école à une obligation de résultats.