LAÏCITE ET REPUBLIQUE Guy Coq FELIN 1995

Lignée de pensée : Républicain - Partisan d'une école entre logique égalitaire et élitaire - dénonce le collège unique (cf. Démocratie, religion, éducation) - Education morale - Utilité des sanctions et de l'autorité dans la relation éducative.- Prône une laïcité ouverte, pluraliste.

 

L'auteur : agrégé de philosophie, membre de la revue Esprit. Catholique militant de gauche, en même temps que laïque convaincu et défenseur des valeurs républicaines. G. Coq apporte au débat laïque d'une part l'effort d'une prise en compte conceptuelle et historique (idée de laïcité comme processus autant que comme concept, idée chargée d'histoire) ; d'autre part la subtilité d'une discussion du point de vue catholique (témoignages d'engagements propres). La conception de laïcité défendu par G. Coq, prolonge le débat vers d'autres champs : éducation du citoyen, les formes d'éducation pour la sauvegarde de la démocratie, la question de la quête du sens et des valeurs. L'ouvrage reprend en les liant et les expliquant nombre de thèmes explorés par les chroniques de ces quinze dernières années, à l'occasion de multiples événements : querelles écoles publiques/privées (1984,Savary -1994, Bayrou), affaire du voile islamique (1989)

Problématique centrale : L'auteur part d'un constat, celui de l'existence d'un couple incertain entre laïcité et république, pour s'interroger sur les conditions d'un contrat souhaitable entre les deux et la possibilité d'atteindre ce résultat. Cette démarche le conduit à une réflexion autour de la problématique suivante : comment amener les religions à s'inscrire dans la culture démocratique et républicaine alors que ceci est un enjeu crucial pour la laïcité et la république ?

Lignes directrices de l'ouvrage :

Laïcité : notions historiques, principes fondateurs, processus et concept

Quels peuvent être les fondements possibles de l'éducation dans la société laïque ? Idée d'une morale laïque. G. Coq défend la possibilité d'une éducation laïque.

Quelles peuvent être les relations entre culture scolaire et culture religieuse ? G. Coq plaide pour une introduction scolaire, laïque, au fait religieux et aux grands textes fondateurs des religions.

Sur la question de l'école privée. Quels sont les enjeux de la guerre scolaire ? La contribution des chrétiens à l'éducation, au bien des enfants et des jeunes à la culture, passe-t-elle principalement par la gestion d'un réseau d'écoles privées ? G. Coq écarte cette idée.

La laïcité symbolise la tolérance, cependant il est des religiosités incompatibles à la démocratie. G. Coq évoque l'affaire du voile islamique (à noter la virulence des propos).

Laïcité : notions historiques, principes fondateurs, processus et concept L'auteur reprend le sens étymologique du mot laïque. Peuple se disait laos en grec. Dans les premiers textes chrétiens le mot désigne tout le peuple. A l'intérieur de l'église, laïcus, laï, laïque désigne toute personne ou institution ni ecclésiastique, ni religieuse. Aujourd'hui, laïque se confond avec laïcisme soit antireligieux ou antichrétien. Cette évolution du sens liée au contexte historique est à l'origine de confusions et de brouillage. Dès sa formation (1871), la question de savoir quel statut donner à la laïcité est mis en évidence (F. Buisson) : La laïcité doit-elle être présentée comme un concept, ou comme une valeur, ou comme un principe nécessaire à la vie collective dans un certain type de société ? L'idée de concept ferait de la laïcité une théorie voire une philosophie. Or, la laïcité n'appartient pas à un système politique précis. Cependant, et c'est à ce niveau que la confusion existe, les circonstances (volonté de diminuer l'influence de l'église) à travers lesquelles la laïcité s'est affirmée l'ont rendue solidaire d'un combat politique et philosophique. L'idée de valeur rejoint ici la liberté des consciences.

Neutralité et tolérance. Principe nécessaire à la vie collective : la laïcité se situe du côté de la représentation de l'espace social. Elle entre dans la composition de l'idée républicaine de la démocratie. Ceci étant posé, G. Coq définit la laïcité plus comme un processus que comme un concept. En effet, la laïcité désigne un lent processus au cours duquel l'humanité passe d'un stade où la société a conquis son autonomie par rapport à la religion (vers une désacralisation du social). Cependant, l'auteur insiste sur le fait que c'est au moment où la sécularisation est acquise que l'idée de séparer la société de toute religion va prendre son sens. En bref, la genèse de la laïcité impose donc d'examiner ce double mouvement qui parcourt l'histoire : d'une part, une marche vers l'autonomie par rapport au divin ; d'autre part, une séparation de l'état et des églises. L'autonomie de la société face à la religion constitue le premier pôle de la laïcité. Outre quelques avancées en la matière (Edit de Nantes, 1598), l'acte fondateur est la déclaration des droits de l'homme et du citoyen de 1789. Se poursuit alors l'émergence d'un ordre social soustrait au pouvoir des dieux (code civil, mariage civil, création des universités, …) sur la base du concordat de 1802. Ce dernier représente un compromis entre la laïcité d'état et la protection des cultes. Le deuxième pôle de la laïcité réside dans la séparation entre l'état et les églises (1905). Cette dernière, rappelle G. Coq, s'est établie dans un contexte général d'affrontement entre l'église et la république, qui lui confère un rôle antireligieux. En effet, E. Combe sur la question de la séparation est l'auteur d'un projet antireligieux aux positions jugées tellement extrêmes qu'il a suscité une série de critiques. Ainsi, c'est sur ce ''contentieux'' que A. Briand principalement et J. Jaurès ont établi la loi de 1905 : " La république ne reconnaît, ne salarie, ne subventionne aucun culte (art 2)… En même temps, elle assure la liberté de conscience et garantit le libre exercice des cultes (art1). ". La séparation de l'église et de l'état ne concerne pas la liberté de conscience ni l'interdiction institutionnelle des églises dans l'espace social (pp. 35-36). L'un des grands obstacles dans la compréhension de la laïcité tient au fait de sa genèse qui demeure mêlée à une série de combats philosophiques. La difficulté réside à distinguer la laïcité du laïcisme (philosophie ennemie de la religion ; Combes). Fondements possibles de l'éducation dans la société laïque ? Sur ce point, G. Coq revient sur le bouillonnement idéologique des années soixante dix sur les rapports entre l'école et la société (Bourdieu, Passeron ; Baudelot, Establet,) et qui repose selon le principe fondamental que l'école est vouée à reproduire la société dont elle dépend et constitue un des lieux où se poursuit la lutte des classes. Ceci a rendu compte d'une part, d'un foisonnement d'idées ''réparatrices'' : initiatives pédagogiques, réforme du collège, décentralisation, projet d'établissement. D'autre part, les années soixante dix vont introduire une considération collective des jeunes par un système de représentation et d'expression institutionnel basé sur des fondements démocratiques et plus tard, par un positionnement copernicien de l'élève (au centre). Néanmoins, selon G. Coq, le messianisme de la jeunesse, même s'il a engendré une possible structure de dialogue a entraîné un terrible retard dans la prise de conscience des problèmes nouveaux. " Trop d'hommes politiques continuèrent au cours des années quatre vingt, à interpréter la réalité du système éducatif à partir d'un imaginaire de soixante-huitards demeurés. " (p.103). " La contestation radicale de l'institution hautement justifiée au sein même de la crise de mai 68 allait, dès les années suivantes, nourrir des analyses inadéquates, irréelles, confortées par le délire althussérien et bourdieusien, empêcher une prise de conscience du vrai problème de cette fin de siècle… " p.104. : l'éducation comme intégratrice à la société (rejoignant H. Arendt). De plus, G. Coq interroge la politique éducative en France qui s'est livrée, selon lui, aux illusions de l'égalitarisme (pp.128-129) dont les conséquences pourraient mener à un éclatement et à la liquidation du service public, voire à une dégradation globale de l'école. Si, comme il le constate, la démocratie est le système social qui a le plus besoin d'une éducation juste, que peut l'école ? G. Coq affirme qu'il y a deux logiques à l'œuvre à l'école qui légitiment l'esprit de la démocratie : une logique égalitaire et une logique élitaire. Au travers de la logique égalitaire, l'école a pour obligation de réussir à transmettre à tous les enfants des éléments culturels communs, indispensables, et qui permettront à ces futurs citoyens d'assumer pleinement leur appartenance à la société démocratique. Au travers de la logique élitaire, l'école reconnaît la nécessité de constituer les élites nécessaires à chaque génération. Pour ce faire, l'école doit organiser l'accès selon les mérites. Cette logique élitaire impose une sélection au travers le système scolaire et une compétition entre les individus indépendamment de la famille ou de la fortune. L'esprit démocratique exige que cette compétition soit ouverte à tous mais il ne pourrait promettre une égale réussite pour tous. L'école républicaine est travaillée par ces deux logiques (p.132). L'école de la république ainsi définie a un rôle à jouer dans le progrès de la justice sociale, fonction de démocratisation. Ainsi, l'école contribue au développement de l'esprit démocratique. La société laïque ne peut durer qu'en éduquant des citoyens et en construisant les fondements culturels du lien social (p.133). Pourquoi ? car une société laïque, marquée par le déficit de fondement que produit le sacré est une société faible : " les sociétés unifiées par le sacré et le fondement religieux sont inébranlables. " (p.32). La société laïque a une force d'intégration des individus beaucoup moins contraignante qu'une société dont le lien se nourrit du religieux. Eduquer le citoyen signifie refaire du lien dans une société laïque qui se fragilise et en proie à l'exclusion de ses membres. On constate, en effet deux effets importants. Premièrement, un épuisement de l'action politique quand domine l'idée que la démocratie se résume à l'individualisme démocratique ; Deuxièmement, une intégration qui s'opère par l'économique entraînant l'exclusion sociale par l'absence de travail et par là l'éclatement du tissu social et de l'espace commun (rejoint D. Schnapper). L'exclusion ainsi décrite par l'auteur, est un processus qui vise à casser des liens sociaux. Parmi ces liens, le travail est devenu une fonction majeure d'intégration à la société. " C'est pourquoi l'intégration par le travail devient un tout et sa mise en cause mène à l'exclusion radicale. ". Comment une société faible, assaillie par la crise du lien social peut-elle durer ? G. Coq, dans son paragraphe 3 explique que la réponse à cette question ne se situe pas dans l'idée d'un retour au sacré (Durkheim) (pp 143-149). Il existe selon lui qu'une direction possible : construire de la citoyenneté. La citoyenneté aujourd'hui doit répondre au défi de l'exclusion. il importe donc pour une société laïque (fragile et sans garantie religieuse) de déterminer les fondements possibles de son éducation. Pour G. Coq, une éducation laïque appelle une culture qui donne à chacun les moyens de s'orienter librement dans la question du sens. L'idée d'une éducation à la démocratie ne saurait être pensée sans aborder l'idée d'une morale laïque. L'auteur entend par morale laïque " une initiation à la pratique du jugement moral là où il apparaît nécessaire. L'urgence éducative est de former des humains aptes à discerner les enjeux éthiques, dans toute circonstance, en toute situation ; de proposer les moyens à la conscience de s'orienter dans le monde des valeurs ". (p.157). La morale laïque est définit comme la part commune à toutes les morales que leur inspiration soit religieuse ou philosophique. C'est à l'école que doit se dégager le terrain de rencontre des différentes morales dont l'objectif principal serait la lutte contre l'inhumain, la barbarie. G. Coq interroge l'éducation scolaire dans sa responsabilité dans la lutte contre la barbarie. Pour ce faire, l'école doit aller au delà d'un enseignement des droits de l'homme et insistait sur une éducation éthique, une éducation à la démocratie (enjeux politiques) et une ouverture de type spirituel. Enfin, sur le concept de l'éducation, G. Coq défend une école qui ne dissocie pas l'éducation et l'instruction dans le droit fil de la paideia (p.202). Pour conclure, l'école se doit de mieux prendre en charge l'éducation éthique, car aucune société ne survit sans une éthique commune et il est essentiel d'initier le jeune à discerner les enjeux et les choix éthiques dans sa vie personnelle. En second lieu, la culture scolaire doit éduquer à la citoyenneté, à la nécessité du politique, à la démocratie et à la république (p.79). Enfin, l'école laïque ne peut assurer la totalité de l'éducation, elle doit avoir les relais nécessaires soit un troisième lieu éducatif, religieux ou associatif (tiers lieu éducatif pp 227-238). Quelles peuvent être les relations entre culture scolaire et culture religieuse ? vers une introduction scolaire, laïque, au fait religieux. Selon Durkheim, la religion assume une fonction irremplaçable posant ainsi le problème de la remplacer par d'autres synthèses justificatives fondées sur la morale et la science. Le débat est symptomatique ces vingt dernières années. Il a été question d'enseignement scientifique des religions, de culture religieuse, d'histoire des religions, de cours de religion… " Introduire le fait religieux à l'école, c'est faire accéder les enfants à une culture humaine suffisamment complète, pour qu'au terme de cette éducation la liberté existe chez chacun pour poser des choix personnels devant des options ultimes, foi religieuse ou autre ". (p.183). Il est important, selon G. Coq que la culture scolaire n'exclue pas le fait religieux, car il porte de manière radicale la question du sens. G. Coq aborde une position différente de J. Baubérot, il refuse l'idée d'un enseignement autonome, lié à une discipline spécialisée, et préconise une véritable ouverture culturelle sur les faits religieux dans la culture humaine, en général (français, histoire, philosophie…) (p. 193). La laïcité rappelle-t-il n'impose pas d'ignorer les faits religieux qui ont profondément marqué les grandes civilisation. (cf. les textes de la ligue de l'enseignement, F. Buisson 1908 ; rapport laïcité 2000). Si aujourd'hui, l'idée de donner une juste place au fait religieux dans les différentes disciplines est admise, les besoins de formation des maîtres en la matière sont importants et dénoncent un retard certain des pouvoirs publics dans l'évolution de cette culture scolaire. Sur la question de l'école privée. Quels sont les enjeux de la guerre scolaire ? La contribution des chrétiens à l'éducation, au bien des enfants et des jeunes à la culture, passe-t-elle principalement par la gestion d'un réseau d'école privées ? G. Coq aborde la question en début d'ouvrage par l'étude historique de la conquête de l'école par l'état et des guerres scolaires qui ont suivi. Il revient ensuite sur ce point dans sa quatrième partie sur les enjeux encourus par l'église à développer une énergie redoutable dans le maintien des écoles confessionnelles. Afin de mieux saisir la question de l'école privée et des conflits générés par les deux écoles (guerre franco française, guerre des deux France), il convient de revenir sur la synthèse historique apportée par G. Coq pour la compréhension du phénomène. En 1789, la révolution pose le problème de l'enseignement qui doit constituer une affaire de l'état. Cette cause doit être ramenée au publique (cf. Condorcet). La première tentative, de la révolution, dans la séparation des Eglises et de l'Etat (1795) sera très vite remise en cause par le concordat effectué (1801 et promulgué en 1802) entre Napoléon et le Pape. Si le pape reconnaît ainsi la République, l'Etat reconnaît le catholicisme comme religion de la majorité des français (plus tard d'autres cultures -israélite- obtiendront cette reconnaissance, 1807). Cette nouvelle convention, ce pacte (J. Baubérot, 1990) vise à rétablir la paix religieuse grâce à un compromis abrogeant ainsi les dispositions de 1795. Ce compromis est celui de la fragmentation institutionnelle. Sur la question de l'école, Napoléon en créant les Universités (1806) qui regroupent le secondaire, les lycées et le supérieur, ajoute dans sa loi " Nul ne peut ouvrir d'école et enseigner publiquement sans être membre de l'Université et gradué par l'une de ses facultés. ". De fait, il laisse aux congrégations le primaire. Si la paix religieuse est en quête, il n'en reste pas moins que ces dispositions du concordat vont amener un conflit important entre les deux écoles. Le combat à l'honneur porte sur la liberté de l'enseignement soit la remise en cause du monopole secondaire. Ceci étant, ces contestations n'empêcheront pas d'autres avancées pour une éducation collective publique : loi Guizot, 1833. Cette dernière s'attaque aux écoles primaires, même si Guizot laisse le choix aux communes de confier l'école à des congrégations ou des laïcs, il fait de l'enseignement primaire une affaire de l'Etat. Il organise l'enseignement primaire autour des écoles publiques et privées. Cependant, cette loi ne génère pas de conflit supplémentaire. La guerre scolaire aboutit à l'article 9 de la constitution de 1848 et à la loi Falloux 1850. L'article 9 stipule que l'enseignement est libre… il doit s'exercer selon les conditions de capacité et de moralité déterminées par les lois et la surveillance de l'état. Ceci vaut pour tous les établissements d'éducation. La loi Falloux abroge le monopole public de l'enseignement secondaire : l'enseignement confessionnel et congréganiste est autorisé au niveau du primaire et du secondaire. Elle prévoit des financements possibles des établissements privés par les collectivités publiques (limités à 10% de la part des investissements publics dans les établissements secondaires). La liberté d'enseignement repose toujours sur cette loi. Jusqu'à la troisième république (1870-1940), la guerre scolaire est plutôt un affrontement entre église catholique porteuse d'une tradition d'enseignement multiséculaire, appuyée sur des congrégations religieuses et un état qui depuis la révolution s'intéresse de plus en plus à l'école (p.45). Il faut noter que la loi Falloux représente un nouveau compromis possible et imminent à établir dans la lutte entre les deux France. La naissance de l'école laïque s'est opérée sous la IIIè République avec les lois Ferry (1881 - 1882) qui rendent l'école obligatoire, gratuite et laïque. Ainsi, l'école laïque sort les clercs des écoles publiques et l'éducation religieuse, sur laquelle n'était pas revenu Guizot, doit s'opérer en dehors des locaux scolaires. Plus tard, la loi Goblet (1886) vient à supprimer les subventions publiques vers le primaire privé. La lutte de l'enseignement privé atteindra son plein succès avec le vote de la loi Debré en 1959. Cette loi acquise dans un climat d'hostilité extrême va marquer une paix possible. Elle organise la prise en charge de l'enseignement privé par l'état en instaurant deux types de contrats entre lesquels les établissements doivent choisir (pp. 50-51). La loi Debré réalise une véritable reconnaissance du rôle de l'enseignement privé dans sa mission de service public. La gauche mènera une dure lutte contre la loi Debré qui connaîtra son apogée, sitôt F.Mitterand (Savary) élu, au travers de son plan de service public unifié et laïque de l'Education Nationale (SPULEN). L'objectif de la gauche est d'évacuer définitivement tout dualisme scolaire au profit d'un service unifié. Cependant, ce projet va déchaîner l'opinion publique (pp. 51 -88). Pourquoi ? Parce qu'il s'élabore dans un triple contexte. D'abord l'enseignement privé satisfait largement l'opinion française. Ensuite, le choix de l'école se rapporte de plus en plus à une forme de consumérisme scolaire dont l'école privée a largement profité (R. Ballion, 1982) ; " Le choix de l'enseignement catholique n'a de sens religieux que pour une minorité. Pour la majorité, c'est l'école de la deuxième chance " (p.52). Enfin, un dernier élément dont les conséquences auront pesé sur la laïcité, est la critique virulente du système scolaire (Bourdieu, Althusser) dénoncé comme illusion idéologique. Ceci a ébréché la confiance des français en l'école comme possible libération et aux valeurs républicaines symboles d'égalité. La loi Savary est enterrée. En 1994, c'est cette fois le camp laïque qui est à l'honneur des banderoles des manifestations. Le gouvernement Balladur/Bayrou va déclencher une nouvelle bataille autour de l'enseignement privé. Le but de l'entreprise est de mettre au moins sur le même plan école privée et école publique. Dans ce cas de figure, nous sommes bien au delà de la loi Debré qui reconnaît à l'école privée une mission de service public. Le projet suppose une révision de la loi Falloux qui limite les subventions de l'état (10%) envers le privé, en mettant à égalité les financements. Ceci étant, l'enseignement privé garderait ses prérogatives d'établissements privés (sélection, droits d'inscription libres…) alors que les établissements publics continueraient à accueillir tous les enfants. En bref, la loi vise à défaire le lien privilégié entre école laïque et république ; " Tordre le cou à la laïcité républicaine. " (p.68). Cette loi place l'école publique en position d'infériorité. En effet, la reconnaissance de l'école privée comme second service public va accentuer la hiérarchisation sociale des écoles entre elles et entraîné les élèves, qui n'ont pu accéder à une bonne école privée, vers l'école laïque. " En ce sens, le projet Bayrou-Balladur menace gravement l'idée laïque républicaine d'une école creuset de l'unité sociale et instauratrice d'une première intégration à la même société ". (p.74). Selon G. Coq, les vrais buts poursuivis visent à privatiser l'enseignement et à démanteler l'école laïque. La guerre scolaire a donc dépassé l'aspect confessionnel. Aujourd'hui, l'école privée est embrigadée dans un combat qui ne devrait pas être le sien car il est politicolibéral, à savoir en faveur d'une privatisation du système éducatif (en témoigne l'essor de la philosophie des créateurs ou entreprises d'école (pp. 82-86). L'Eglise s'est laissée prendre au piège, précise G. Coq. Ce piège qui vise à déstabiliser et à éclater le service public. Comment sortir du piège ? L'inscription de l'église dans l'espace social n'impose aucunement le contrôle de certaines institutions (l'école). Elle suppose, au contraire, des mouvements, des associations, des organes de presse identifiés comme chrétiens (Emmaüs, la CFDT..). Pour G Coq, se crisper sur l'école privée empêche l'église de faire face à d'autres responsabilités : le monde chrétien n'a pu se rendre disponible pour d'autres tâches (p.248). L'église à un rôle à jouer dans la reconstruction du lien social. 5) La laïcité symbolise la tolérance, cependant il est des religiosités incompatibles à la démocratie. G. Coq évoque l'affaire du voile islamique (à noter la virulence des propos). A ce niveau G. Coq évoque la douloureuse expérience du voile islamique. La position de l'auteur est virulente concernant les dispositions appliquées en 1989 et 1994 dans la gestion de cette affaire par la jurisprudence administrative et le conseil d'état. G. Coq revient sur l'ensemble de la querelle des foulards et critique sans ambiguïté les rétractations juridiques sur la question du voile. Aussi, sans revenir sur les détails juridiques, la position de G. Coq accuse davantage le voile comme outil de manipulation intégriste (entre intégrisme et république laïque, il y a incompatibilité) que comme un outil d'expression de la confession musulmane. Aussi, c'est sur le premier plan que s'inscrivent les propos de G. Coq. Citons " …. Jamais je ne ferai un cours de philosophie avec en face de moi, dans la classe, une jeune tête, un visage, coiffé d'un symbole désormais taché du sang de ces femmes, jeunes ou non, assassinées en Algérie parce qu'elles ne la portaient pas. Je n'accepterai pas ce signe dans ma classe, même si, dans sa logique, mon acte devait assumer l'exclusion de nos écoles de centaines de jeunes enfants pris comme otages du fanatisme moderne…. accepter le voile islamique dans une classe, c'est se faire complice d'un totalitarisme à prétexte religieux, ou encore d'une ''spiritualité'' de l'assassinat. La liberté de conscience est absolue, mais pas celle de la conscience de l'assassin… Ceux qui disent : il ne faut pas mettre en cause le voile pour ménager l'ensemble de la communauté musulmane, montrent par là même qu'ils identifient les militants du voile à la totalité de l'islam. Ils commettent l'erreur la plus grave. Ils méconnaissent la majorité des musulmans qui témoignent de leur volonté de s'insérer dans cette société laïque tout en y acquérant le droit à une liberté religieuse pleine et entière…. Se plier devant le voile ''par respect'' pour l'islam, c'est donc d'abord manquer de respect pour la haute spiritualité des disciples du Prophète, en les confondant avec une infime minorité extrémiste pour qui le voile n'est que le premier appui d'un dispositif réactionnaire et terroriste. ". (p. 262).

Raniha OULTACHE L.P Condé sur l'Escaut (Formatrice IUFM)

RANIHA.OULTACHE@wanadoo.fr