QU’EST-CE QUE LA CITOYENNETE

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Dominique SCHNAPPER avec la collaboration de Christian Bachelier

Gallimard, 2000

 

Le mot « citoyen » est de retour à la mode mais il est important de bien comprendre son sens. Citoyen au sens juridique ne désigne pas un individu concret mais un sujet de droits et de devoirs. Le citoyen est aussi le principe de la légitimité politique. Les sociétés organisées par la citoyenneté sont nettement minoritaires. Il y en avait durant l’antiquité grecque ou romaine mais c’est différent d’aujourd’hui. Le citoyen de 1789 n’est ni celui de 1848 ni celui de 2000. Aujourd’hui il y a des différences entre les pays → Peut-on malgré cela définir la citoyenneté ?

 CHAP. 1 : LA MODERNITE POLITIQUE

La modernité politique = l’élaboration d’une société dans laquelle la citoyenneté politique constitue le fondement de la légitimité politique. 1789 : transfert de la légitimité du roi à la Nation. Les citoyens constituent la Nation ; ce ne sont pas des individus concrets. Ils sont arrachés à leur particularité de naissance → égalité→ séparation du public et du privé (privé = individu concret, particularités). Les particularités divisent les citoyens entre eux c’est pourquoi il faut les évacuer du champ public.

Il existe ici une opposition entre le modèle individualiste et communautariste.

1er débat : Pour Locke ce sont les droits de l’homme qui fondent ceux du citoyen, le naturel précède le civil. C’est l’inverse chez Rousseau. Locke est un jus naturaliste : il pose l’antériorité ontologique de l’homme sur le citoyen, il insiste sur la liberté individuelle. Rousseau insiste sur l’organisation sociale. La conception de Locke implique un droit de résistance : droit d’aller au-dessus de la loi au nom des droits de l’homme.

Opposition entre citoyen à l’anglaise et citoyen à la française. Le citoyen à l’anglaise (Locke, Montesquieu) : Pluralisme libéral et démocratie unitaire «  La tradition britannique est fondée sur l’idée que pour assurer la véritable liberté des hommes contre le pouvoir qui risque toujours de devenir arbitraire, il faut respecter la diversité des appartenances et des attachements particuliers »[1] → des contre-pouvoirs

« On est citoyen par l’appartenance à une communauté particulière »[2]

Cela s’oppose au citoyen à la française : Rousseau conception totale et unitaire de la citoyenneté.

2ème débat : Faut-il préciser les droits et les devoirs ?

CHAP. 2 LES CRITIQUES

La citoyenneté continue à poser des problèmes. L’égalité civile s’oppose  à :

-         références particulières, historiques, religieuses

-         inégalités économiques et sociales

Les critiques ont portées sur l’une ou l’autre de ces oppositions. Les penseurs révolutionnaires ont attaqués la première, les marxistes la seconde :

-         le citoyen abstrait et l’individu historique. BURKE[3] critique les droits de l’homme au nom de la valeur de l’héritage, de la pratique et de la raison. La vie des hommes se déroule toujours dans des sociétés à l’histoire particulière. La Glorious Revolution  a su en tenir compte mais pas la Révolution française. Les droits de l’homme sont vrais métaphysiquement, mais faux moralement et politiquement. La revendication de la liberté est une bonne chose, mais ce sont les liens sociaux qui la garantissent, qui permettent l’amélioration de la vie des hommes. Il n’y a pas de liberté naturelle comme chez Rousseau. Les révolutionnaires uniformisent la société→ despotisme. Aujourd’hui la critique de Burke est reprise par les communautariens. Les hommes ont besoin de voir reconnaître leur dignité par la citoyenneté mais aussi leur authenticité par la reconnaissance de l’appartenance à une culture.

-         Le citoyen abstrait et le prolétaire. Marx [4]critique la distinction entre l’homme et le citoyen. Le citoyen ce n’est que le bourgeois. L’expérience communiste a montré où peut conduire la suppression des libertés formelles politiques. Le bien-être éco ne suffit pas à donner un sens à la vie.

CHAP. 3 LES INSTITUTIONS

La citoyenneté exclut certains en matière de politique mais égalité au niveau des droits civils, économiques et sociaux.

Le citoyen n’est qu’un individu abstrait qui ne peut exercer sa souveraineté qu’à travers des institutions et des personnes → PB : Comment organiser le passage de l’individu citoyen à l’organisation des institutions ?

-         démocratie directe Rousseau- la tentation française régime d’assemblée, référendum. La volonté générale aboutit à la confusion entre le gouvernement et la société, entre institutions et citoyens- le risque est qu’un homme incarne le pouvoir (Bonaparte)

-         représentation régime parlementaire peu de référendum

Importance du vote : symbole de la souveraineté et de l’égalité des citoyens. C’est au moment du vote que les individus isolés dans la société vont s’inscrire dans « la communauté des citoyen ». Voter = un rituel qui marque l’appartenance (les étrangers ne votent pas) sacré. En France la loi de 1913 ritualise le vote.

L’Ecole doit donner à tous les moyens d’exercer concrètement ses droits. L’Ecole dispense :

-         une langue une culture une mémoire historique commune

-         espace fictif à l’image de la société politique. De même que les citoyens tous les élèves sont traités de manière égale. Cela le prépare à la société politique.

CHAP. 4 L’INDIVIDUALISME DEMOCRATIQUE

De plus en plus de droits subjectifs PB : l’égalité semble conduire à l’uniformisation des citoyens.

L’évolution du Code de la Famille marque une évolution des droits de l’individu sur ceux de l’institution familiale. Le sens du mariage a changé. C’est un contrat entre deux personnes libres.

CHAP. 5 CITOYENNETE ET NATION

Il existe un lien historique entre la citoyenneté et la nation. Mais ce lien n’est ni logique ni nécessaire. Pourquoi la citoyenneté ne s’exercerait-elle pas au niveau infra ou supra national ?

Que doit-on faire de la revendication à des droits culturels des communautariens ? Toute société est multiculturelle comment gérer ?

-         Républicains français et libéraux américains : distinction entre privé et public. Le multiculturalisme est reconnu de fait, mais pas de droit.

-         Les communautariens : les hommes ont besoin d’être reconnus non seulement en tant que citoyen abstrait mais aussi en tant qu’individu concret.

La position des communautariens présente le risque de mettre en danger l’égalité, de voir des groupes seulement juxtaposés. KYMLICKA[5] met des conditions à la citoyenneté différenciée :

-         un individu ne doit pas être attaché à un groupe particulier. Il doit pouvoir choisir d’y entrer ou d’en sortir.

-         On ne reconnaît pas de groupes qui ont des traits incompatibles avec les droits de l’homme ou valeurs globales de la société

-         Les groupes doivent être égaux.

Charles Taylor[6] : la non-reconnaissance ou reconnaissance inadéquate est une forme d’oppression.

La citoyenneté est un lien.

2 politiques cherchent à assurer l’égalité des citoyens :

-         discrimination ( affirmative action) et équité. Danger : les droits donnés aux groupes entrent souvent en conflit avec les droits des individus. Il est dangereux d’adopter une telle politique de manière durable.

-         Egalité des chances (equal opportunities) politiques universalistes, législation (contre le racisme, le sexisme…) pas destiné à un groupe précis. Le danger est que cela reste une égalité formelle.

Nouvelles formes de citoyenneté : 

-         citoyenneté européenne

-         citoyenneté-résidence (long séjour → citoyenneté≠ nationalité)

-         citoyenneté post-nationale (Habermas)



[1] P. 39.

[2] P.41

[3] Réflexions sur la Révolution française, 1790

[4] La question juive

[5] Multicultural Citizenship

[6] Multiculturalisme : différence et démocratie