LES LYCEENS
François DUBET

Seuil, 1991

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Pensées: Voir L’hypocrisie scolaire (Duru-bellat/ Dubet) pour le collège. 

Une étude entreprise avec la volonté de s’intéresser aux acteurs, et non pas au système éducatif. La connaissance du système et de ses mécanismes ne doit pas dispenser d’une connaissance de ses acteurs.

Définition du fait social étudié : l’expérience scolaire (chap. 1)

a)Le système

Distribution « Sélection »

 
Le système résulte d’une articulation entre 3 fonctions. L’harmonie entre les 3 serait un système idéal, mais il y a en réalité des tensions « Il se crée un espace de l’expérience dans lequel l’acteur doit lui-même gérer ses fonctions et leurs tensions »[1]

b) L’expérience scolaire

 L’expérience scolaire = « la manière dont les acteurs se représentent et construisent ce système, en définissent chacun des éléments, en gèrent » pour eux » les articulations. »[2]

Distribution « Sélection »

 

La méthode de travail employée va de l’acteur vers le système.

Typologie des lycéens (chap. 2 à 5)

a) Les « vrais lycéens »

Lycée Flaubert (VIe)

Ce sont des enfants issus de familles aisées, diplômées depuis plusieurs générations qui viennent recevoir une culture gratuite. Il déploie un style caractérisé par la distance culturelle et le dilettantisme. Ils établissent des hiérarchies entre les filières et développent tous les stéréotypes sur le vrai matheux (C) et le vrai littéraire (A1) ainsi que sur les banlieues. Mais il y a une érosion : les héritiers s’essoufflent. Ils perçoivent les mécanismes, ils sont soumis à la pression, à la compétition ils doivent calculer. Ils se montrent critiques.

Les élèves ne se plaignent pas de la discipline. Des mesures limitées (par ex. chaque élève est présent au moment où son cas est traité au conseil de classe) parviennent à atténuer le poids de la sélection.

b) Les « bons » lycéens

Deux lycées de province : Michelet et Joffre.

Ils ne sont ni héritiers ni boursiers. Pour eux c’est normal d’être là mais ils ne viennent pas d’une famille diplômée depuis longtemps ni très fortunée.

Les lycéens éprouvent des difficultés à parler de leurs projets d’avenir, très vague, peur de se positionner. La fermeté des projets précis (artistiques surtout) repose sur une volonté de rupture avec la famille, une volonté d’autonomie.

Il y a une hiérarchie entre les filières : la preuve on passe son bac C avec la moyenne ni en math ni en physique, ou pour aller en cagne. Les vrais scientifiques sont rares.

Dans les deux lycées le CPE est un personnage important pour les élèves. Il y a pourtant une différence entre les deux établissements. A Michelet il y a beaucoup de clubs, Joffre est anomique.

L’évaluation a une grande emprise sur les élèves : ils croient en la stratégie, correspondent au portrait que Perrenoud dresse en 1984 dans « Le métier d’élève »[3].

Pas d’enthousiasme immédiat pour les méthodes actives.

c) Les « nouveaux » lycéens

Lycée Duparc, Lycée polyvalent de Villeneuve (banlieue Nord), Lycée des Pins (grande ville de province)

Ils sont porteurs d’une promesse d’ascension sociale mais paradoxe : ils sont en ascension par rapport à leurs parents, mais à l’intérieur du système ils sont en échec. Pour leur famille avoir le bac c’est une avancée, mais à l’intérieur voir un bac G c’est nul par rapport à un bac C.

Ils ne se voient pas d’avenir, ne voient pas comment continuer après le bac. Leurs projets sont irréalistes ; ils maintiennent que « quand on veut on peut ». Le problème c’est que ce sont les élèves en difficulté que l’on presse le plus de choisir.

Ils recherchent des matières « vivantes » ouvertes sur l’extérieur et permettant de donner son avis. Les math représentent l’opposé de la matière « vivante » : les math ont leurs règles. Les élèves ne veulent pas réfléchir mais apprendre les résultats et les techniques de calcul. Ils ont beaucoup de mal à objectiver les connaissances. Ils ont du mal à séparer le savoir acquis de son mode de transmission, de la relation pédagogique à l’enseignant. Le bon prof est celui qui motive, qui vit son cours ; le mauvais est méprisant.

Ils ont un rapport froid et anonyme avec l’administration sauf avec le CPE (« gentil » ou sévère »), beaucoup d’heures de transport, des petits boulots, fournissent peu de travail perso. Ils considèrent que la vraie vie est ailleurs. Les internes sont des privilégiés → rôle social de l’internat.

d) Les futurs ouvriers

LP Georges Brassens et LP Pablo Neruda

Ils ont une expérience scolaire entre échec, emploi et vie juvénile[4]

Ce n’est pas le milieu social qui explique leur situation : c’est l’échec. Indiscipline, violence, dégoût de l’enseignement général…

Le CPE attentif est vu comme indiscret et menaçant.

Il y a deux types d’élèves en LP : de élèves en échec, et des élèves qui réussissent bac pro, 1ème d’adaptation. Plus l’élève fait le lien entre enseignement général et métier plus il a une expérience scolaire intégrée plus il a de chances de réussir.

Points communs entre les lycées (chap. 6- 7)

Il y a des points communs qui ressortent : « les mécanismes de sélection, les mode d’organisation des établissements, les droits des élèves sont décrits de la même façon »[5]

a) Sélection et filière

Tous les lycéens définissent le lycée de la même façon : «  système de sélection, mode de définition et de répartition des compétences. »[6]

Hiérarchie entre les filières : elle est le fruit d’une sélection sociale mais essentiellement ressentie comme scolaire. Il faut faire C ou D ou B etc. Il existe aussi une compétition entre les établissements

b) Faible intégration

Le lycée a peu d’influence sur la vie juvénile

c) « Des libertés sans droits »

C’est ainsi que les lycéens décrivent le lycée. Ils ont des libertés, plus qu’au collège et souvent plus que chez eux. Il n’y a pas de contrôle sur le comportement ou la tenue mais en face il y a des « procédures sélectives rigoureuses et bureaucratiques »[7]. Rien n’est négociable dans le domaine de la pédagogie et de la sélection.  Il semble que l’on ait toujours tort contre les profs ou l’administration. Les délégués sont perçus comme inutiles[8] car non écoutés, sentiment d’injustice.

Face à cela les lycéens développent des stratégies négatives : retrait refus de participer, manipulation.

→ Les lycéens s’adaptent : ils calculent en fonction de l’évaluation (coefficient manie du prof lacune…) Le calcul comporte une part d’illégal (triche, absence…). Il inclut aussi le relationnel  passé inaperçu ou être bien vu… bachotage…

→ Extériorité des lycéens vis-à-vis de l’école

Les lycéens sont conformistes et ne s’intéressent pas aux idées. Ils veulent un enseignement efficace et traditionnel. Souvent ils sont travailleurs mais « ne participent pas ». Lorsqu’ils possèdent un « esprit critique », ils ne veulent pas l’exercer en classe. Ils délaissent les matières à faible coefficient et mesurent des absences stratégiques. Ils veulent des méthodes plus que de la culture [9]

d) L’éducation : mépris et authenticité

Le mépris est un thème récurrent du discours des lycéens. Il est dû à la hiérarchie des filières. Il qualifie aussi le rapport des enseignants à leurs élèves. Ils sont accusés de manquer de pédagogie, absence de réciprocité, pas de règles claires de communication Le plus grand mépris est l’indifférence : le refus de s’engager dans une relation interpersonnelle.

A l’inverse du mépris les lycéens recherchent l’authenticité.

Les vrais amis sont souvent extérieurs au lycée : la vie sociale ne se limite pas au lycée. Les élèves ne se sentent pas être un groupe homogène. Il y a des clans. « La sociabilité juvénile n’est pas construite par le lycée » mais s’y déroule[10].Les lycéens veulent des relations interpersonnelles.

Le malheur vient de l’inauthenticité. Il faut jouer un rôle pour réussir. Echec : dégoût, peur, honte d’en parler. Les parents rajoutent  beaucoup à la pression : ils montrent quand ils sont déçus. L’infirmière récupère les blessés.

L’école fabrique des individus. Il y a deux sortes d’individuation :

-         « des stratèges, des individus déterminés par leurs ressources et leurs capacités de gestion instrumentale. »

-         des sujets qui « réinterprètent les connaissances et la culture scolaire dans une sorte d’espace public lycéen ».

Pb : L’instrumentalisme s’oppose  à l’expressivité.

LES ENSEIGNANTS (chap. 8)

Il y a une similitude entre les enseignants et les lycéens : la dualité. Les enseignants sont déchirés entre le statut (leur position dans le système) et le métier (la conception personnelle voire intime qu’ils ont de leur travail). Ils sont plus malheureux que les lycéens : pas de liberté, ou d’amitié.

OUVERTURES (chap. 9-10 conclusion)

Les mouvements lycéens de 1985 à 1990 révèlent que les lycéens se méfient de l’adhésion, de l’idéologie et pensent en terme d’individu. Ex : un propos raciste → c’est méchant pour la copine marocaine. L’absence de véritable mouvement est lié à l’absence d’intégration → crise de l’institution elle ne socialise plus.

Le militantisme lycéen est révélateur d’un milieu favorisé. Les »vrais » et les « bons » lycéens pourtant supportent beaucoup mieux la dégradation des lieux.

Il faut penser qu’il y a plusieurs façons d’être bon élève, définir les droits et les devoirs de tous.



[1] P. 24.

[2] Ibidem

[3] Dans La Fabrique de l’excellence scolaire, Genève.

[4] P. 154

[5] P. 157

[6] Ibidem

[7] P. 171

[8] P. 177

[9] p. 185

[10] P. 199.

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