L'école et les parents : la grande explication
Philippe MEIRIEU

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La crise est là : entre l'école et les familles, le contrat de confiance est rompu. Certes, les parents gardent, globalement, une bonne opinion des enseignants qu'ils considèrent plutôt compétents et dévoués. Les enseignants, tout en précisant que " les parents doivent rester à leur place ", affirment les respecter et souhaiter, tout à la fois une meilleure information à leur égard et une plus grande implication de leur part dans le fonctionnement des instances des établissements. Mais la suspicion s'est installée : chacun pense que l'autre poursuit ses propres intérêts. On ne se voit plus clairement d'intérêt commun : aux uns, le souci jaloux de la réussite de leurs enfants ; aux autres, l'obsession de leurs conditions de travail et de leur carrière. Pendant des dizaines d'années, parents et enseignants ont ramené à peu près ensemble pour la réussite d'une institution qui faisait leur fierté commune. Les parents louaient la qualité et, surtout, la droiture et l'équité des maîtres : la réussite scolaire était une reconnaissance publique du mérite de l'intéressé, son échec lui était imputable et n'était que justice. Aujourd'hui, la réussite est le fruit des stratégies habiles des parents qui ont su trouver le bon établissement et dénicher la perle rare pour donner les meilleures leçons particulières possibles. L'échec d'un élève, en revanche, est attribué aux mauvais enseignements qu'il a reçus. De leur côté, les enseignants considéraient les parents comme des alliés dans une entreprise d'éducation où les meilleurs élèves étaient naturellement promus. Aujourd'hui, ils voient en eux " des consommateurs d'école ", prêts à entraver le bon fonctionnement de l'institution pour favoriser leur progéniture.

PREMIERE PARTIE : POUR UN NOUVEAU " PACTE EDUCATIF "

DEUXIEME PARTIE : LA SITUATION ET LES ENJEUX DE L'ECOLE AUJOURD'HUI 1) " C'était mieux avant ! "

TROISIEME PARTIE : APPRENDRE DANS L'ECOLE AUJOURD'HUI
1) " Rien ne vaut les bonnes vieilles méthodes ! "
2) " L'école, je n'en veux plus ! "

QUATRIEME PARTIE : AGIR ENSEMBLE DANS L'ECOLE AUJOURD'HUI
1) " Ils ne savent plus se tenir ! "
2) " Hors des grands lycées, point de salut ! "
3) " Les enseignants sont irresponsables ! "
4) " Les profs, on ne peut jamais les voir ! "

CINQUIEME PARTIE : PROJETS ET UTOPIES
1) " Assez de pédagogie…qu'on travaille enfin ! "
2) " Hors de la réussite scolaire, point de salut ! "
3) " L'école publique, c'est dépassé ! "

PREMIERE PARTIE : POUR UN NOUVEAU " PACTE EDUCATIF " "

L'instruction est obligatoire… ". Voilà qui est écrit dans la Constitution et, plus que jamais, d'actualité. Il est d'ailleurs normal que les Français exigent de leur école que tous les élèves, à l'issue de la scolarité obligatoire, maîtrisent un ensemble de connaissances leur permettant de comprendre la société dans laquelle ils arrivent et d'y devenir de véritables citoyens. Il est indispensable qu'au-delà de la scolarité obligatoire, des formations adaptées permettent aux adolescents et aux adultes d'accéder à une activité professionnelle leur assurant une insertion économique et sociale durable, contribuant au bien - être général. Premier principe : " L'école doit être publique " : - La famille pour assurer la filiation - L'école pour accéder à la vérité - Une " pédagogie de la vérité " pour rendre possible le débat démocratique - Une " pédagogie du sens " pour susciter le désir d'apprendre Deuxième principe : " L'école doit être un service publique " : - Obligation de résultats et obligation de moyens - Du " projet " au " contrat " d'établissement - L'organisation du recours : une exigence essentielle du service publique - Pour une véritable " pédagogie du recours " - La " pédagogie du recours " : une condition essentielle de la réussite du " collège pour tous " Troisième principe : " l'école est une institution dont la définition des missions et des moyens doit être du ressort de la représentation nationale " : - La réforme impossible - Pour une redéfinition du service enseignant - Vers un véritable " pacte des droits et des devoirs réciproques des enseignants, des parents et des élèves " - Débat démocratique sur l'école

DEUXIEME PARTIE : LA SITUATION ET LES ENJEUX DE L'ECOLE AUJOURD'HUI

1) " C'était mieux avant ! " (Comment échapper à la nostalgie du tableau noir de la République ?) L'école républicaine telle qu'elle fut : La grandeur de l'école républicaine est d'avoir été portée par un projet national de citoyenneté. Les fondateurs de l'école laïque et obligatoire ont voulu que cette école forme des citoyens, les citoyens d'une France démocratique moderne arrachée à l'emprise, réactionnaire à une époque, de l'Eglise. Ecole du peuple, école de l'élite ? : Le système scolaire mis en place par la République n'était pas démocratique au sens où l'on entend ce mot aujourd'hui. L'école républicaine était composée de deux institutions séparées. Les enfants du peuple -enfants d'ouvriers et de paysans- allaient à l'école élémentaire pour y acquérir le certificat d'études primaires. L'école républicaine, ce fut d'abord leur école, même si tous ne parvenaient pas à y réussir : la moitié d'entre eux seulement obtenait le certificat d'études à la veille de la Seconde Guerre mondiale. Les enfants de la bourgeoisie allaient, eux, dans une autre école. A l'âge où les enfants du peuple étaient à l'école primaire, ils fréquentaient le petit lycée. Puis ils passaient au lycée. Non parce qu'ils étaient meilleurs mais parce qu'ils étaient nés au bon endroit, dans un milieu social où il allait de soi qu'on fréquente le lycée. Ils étaient les héritiers de la culture et, souvent, de l'argent et du pouvoir. Au terme du lycée, les meilleurs, souvent aussi les plus favorisés culturellement, préparaient les concours d'entrée dans les Grandes Ecoles qui leur ouvraient les portes de l'élite, tandis que les autres, armés du baccalauréat, entraient dans la vie active ou à l'Université. Cette organisation de l'enseignement à deux vitesses a perduré jusqu'au début des années soixante. Elle a, sans aucun doute, prolongé l'inégalité. Mais elle a prétendu, en même temps, remédier à l'injustice en instituant, au sein des écoles primaires du peuple, " l'élitisme républicain ". L'élitisme républicain, une imposture ? : Il cherchait essentiellement à distinguer les meilleurs élèves issus du peuple, ceux que leur mérite, leur intelligence et leur vertu autorisaient à envisager de plus longues études, ceux dont la nation ne pouvait négliger les talents sans se priver d'une ressource utile. Une fois ces élèves distingués par le maître d'école, il leur était possible d'obtenir le soutien des bourses, d'aller au collège et, parfois même, au lycée. Dans la plupart des cas, ces élèves obtenaient le brevet élémentaire, parfois le baccalauréat. Mais, même dans ce dernier cas, ils ne rejoignaient pas la véritable élite, celle qui avait fait du grec et du latin dès la sixième. L'élitisme républicain n'a donc jamais concerné qu'une faible partie des élèves issu du peuple, ceux qui obtenaient des emplois publics ou embrassaient des professions de niveau moyen, contremaître ou comptable. Pour la grande majorité des autres, la scolarité élémentaire constituait leur unique scolarité. Autrement dit, l'élitisme républicain n'offrait qu'à une toute petite minorité la chance d'aller au bout d'un second cycle. Largement donnée aux élèves de la bourgeoisie, cette chance était parcimonieusement offerte aux meilleurs des enfants du peuple. Ce système a permis un début de démocratisation : il a entrouvert les portes de l'enseignement long ; il a favorisé la formation d'une classe moyenne issue du peuple et qui devait tout à l'école. La paix scolaire, mais à quel prix ? : L'école républicaine a permis l'installation de la paix scolaire. Les enfants du peuple et les enfants de la bourgeoisie n'étant pas mêlés sur les bancs de la même école, les maîtres avaient affaire à des publics homogènes avec des cultures de référence identiques, des attitudes et des aspirations du même ordre. De plus, au sein de chaque école primaire et au nom de l'élitisme républicain, il était facile de séparer les élèves en fonction de leurs compétences. Ainsi les meilleurs étaient-ils tirés vers le haut, tandis que les moins bons étaient plus rapidement conduits vers la sortie. Ainsi cette école n'avait-elle pas à affronter directement les difficultés posées par l'hétérogénéité des publics scolaires puisque son organisation même entérinait les inégalités sociales. L'école démocratique de masse prolonge l'idéal républicain : Si l'école républicaine s'est transformée, c'est d'abord parce que les républicains les plus progressistes ont rapidement décelé les aspects particulièrement injustes d'un système qui n'offrait pas les mêmes chances à tous. Dès les années vingt, des réformes plus pu moins timides se sont efforcées d'entrouvrir les portes du lycée, d'affaiblir les citadelles des études classiques, de favoriser les boursiers. Mais, au sein même de l'école, ces hommes de progrès se sont heurtés à des conservateurs. Il faut attendre la libération et le plan Langevin - Wallon pour que le principe de l'égalité des chances impose le thème de l'école unique. Puisque l'école républicaine se veut un outil de justice sociale, la généraliser, instaurer l'école unique, c'est argumenter l'efficacité de cet outil. A terme, tous les enfants entreront dans la même école et seuls leurs mérites les distingueront. C'est la fidélité aux principes républicains qui substitua,il y a un demi - siècle, l'égalité des chances à l'élitisme républicain. Mais il faudra attendre plus de trente ans pour que ce programme commence à entrer vraiment dans les faits avec l'élargissement du recrutement des lycées et de l'enseignement supérieur et, surtout, avec la mise en place du " collège unique " par René Haby. Dès lors, tous les élèves, quelle que soit leur origine sociale, entrent dans la même école, tous peuvent espérer atteindre les niveaux les plus prestigieux en fonction de leurs seuls mérites. L'école démocratique de masse veut réaliser l'utopie de l'école républicaine en créant " l'école de tous ". La demande massive d'éducation : Le temps est fini où il fallait imposer l'obligation scolaire à des populations essentiellement rurales qui n'en voyaient pas l'utilité et qu'elle privait de la force de travail des enfants. Chacun veut désormais que ses enfants aient une chance de réussir comme tous les autres. Les Français souhaitent que l'école s'ouvre à tous et que la seule compétition scolaire distribue les diplômes et les opportunités de succès. Chacun a le droit de réussir en fonction de son seul travail et de son talent ; tous les élèves doivent prendre le départ de la même compétition. Des classes désormais hétérogènes : Dans la mesure où la France a choisi l'école unique jusqu'au terme du collège, elle a choisi aussi de mélanger dans la même école des publics scolaires et sociaux différents.

TROISIEME PARTIE : APPRENDRE DANS L'ECOLE AUJOURD'HUI

1) " Rien ne vaut les bonnes vieilles méthodes ! " (Motivations et apprentissage) Autrefois, on sortait de l'école avec un bagage sûr. Aujourd'hui, il semble que les jeunes ne savent plus grand-chose. Ou ils n'ont que des connaissances très vagues. Les vieilles méthodes ne sont pas si dépassées qu'on veut bien le dire. " Apprendre par cœur " : un mécanisme au service d'un projet. C'est le projet, l'intention, le sens qui fondent le " par cœur ", le rende utile, le font percevoir comme nécessaire. " Apprendre par cœur ", c'est fixer son attention, pendant un temps donné, sur des mécanismes à acquérir. Cependant, tout ne doit pas être appris par cœur, de la mémoire pour mobiliser nos connaissances est souvent plus utile. Savoir trouver l'information devient plus important que de le garder en mémoire. Les problèmes à résoudre, en revanche, sont de plus en plus complexes et supposent que nous mobilisons des savoirs empruntés à plusieurs domaines…ce qui exclut l'utilisation exclusive de savoirs par cœur enchaînés les uns aux autres de manière purement linéaire. Les " bonnes vieilles méthodes " ont fait leur preuve, c'est vrai. Mais ce qui " marchait " en elles, c'était moins les procédés (comme l'apprentissage " par cœur ") que leur capacité à donner du sens à ces procédés.

2) " L'école, je n'en veux plus ! " (Refus ou échec scolaire) Il existe des enfants " en difficulté " qu'un soutien pédagogique ponctuel peut sortir de l'ornière, il y a aussi des enfants en échec grave, qui campent dans un refus de tout apprentissage scolaire et avec lesquels il faut complètement reconstruire les conditions du moindre apprentissage. Lorsque aller à l'école réveille plus de malaises et de peurs que de plaisir et d'espérance, même les savoirs de base ne peuvent plus être abordés simplement.

QUATRIEME PARTIE : AGIR ENSEMBLE DANS L'ECOLE AUJOURD'HUI

1) " Ils ne savent plus se tenir ! " (violence, sanction et éducation) Parents et enseignants se rejettent mutuellement la " faute ", ou, au moins, la responsabilité de certains comportements malpolis ou agressifs des enfants. Apprendre à vivre ensemble : institution de moments de parole. La parole, structurée par une loi, est le meilleur remède à la violence. Si les enfants peuvent, à l'école, apprendre à se respecter les uns les autres, c'est parce que les adultes donnent eux-mêmes l'exemple du respect et de la politesse. La vie collective met en place des exigences : les caractères de chacun ; les comportements quotidiens structurés par des habitudes, des coutumes, des règles de politesse ; les origines différentes ; la liberté de chacun ; la parole ; les valeurs ; la signification du verbe " interdire " cad dire entre nous. De l'enfant au citoyen : quand l'école joue le rôle qui est le sien, en tant qu'institution de la République, elle apprend aux enfants, non seulement à lire, écrire et compter mais aussi à vivre ensemble. Et cet apprentissage là ne se fait pas au détriment des connaissances intellectuelles. Bien au contraire. Il se fait à travers elles et il est la condition de leur réussite. C'est quand elle prend en compte solidairement ces deux exigences (sociale et intellectuelle) que l'école ouvre à tous les enfants le champ de la culture humaine.

2) " Hors des grands lycées, point de salut ! " (Le choix de la " bonne école ") " L'inscription d'un élève dans un grand lycée de centre ville est, pour les parents, un devoir car ils veulent mettre toutes les chances de leur côté. Dans les grands lycées, le niveau des professeurs est plus élevé qu'ailleurs : l'élite de la nation est passée par là. Dans les grands lycées, le proviseur est respecté et il a le pouvoir d'écarter un élève indésirable ou un membre du personnel défaillant. Ce n'est pas le cas dans les lycées - ghettos où les élèves d'origine étrangère s'adonnent entre eux à des trafics en tout genre. " (Lettre de parents écrite à un proviseur) Les hypocrisies du palmarès des établissements : La réputation des lycées est fondée d'abord sur la place qu'ils occupent dans l'imaginaire collectif, et surtout, sur le fait qu'en attirant " les bons élèves ", ils peuvent toujours se vanter de les avoir chez eux. Cercle vicieux : " Nous sommes les meilleurs…Donc nous avons les meilleurs…Ce qui prouve bien que nous sommes les meilleurs ! ". Chacun cherche l'intérêt de son enfant : Faut-il croire qu'un élève sera intellectuellement modifié en passant sous le porche d'un prestigieux lycée de centre-ville ? C'est tout l'inverse : le lycée demeurera prestigieux tant qu'il réussira à attirer chez lui les élèves correctement " formatés " pour y faire de bonnes études. Ce sont les bons élèves qui font les bons lycées et non l'inverse. En revanche, il arrive que des lycées plus modestes parviennent à tirer d'affaire des élèves en difficulté…qui, eux, ne sont jamais admis dans les lycées prestigieux dont ils compromettraient l'image de marque. Les " bons établissements " ont-ils de meilleurs enseignants ? : Les élèves qui réussissent dans les grands lycées réussissent d'abord parce qu'ils bénéficient d'un environnement familial favorable…et réussiraient sans doute de la même manière quels que soient leurs enseignants ! Où enseigne-t-on les " vrais savoirs " ? : Ils s'enseignent partout, et pas seulement dans les établissements prestigieux. La vérité, c'est que l'exigence culturelle n'est nullement le monopole des collèges ou des lycées de centre-ville. La vérité, c'est que, justement, des activités artistiques de haut niveau sont présentes dans les établissements " défavorisés "… alors qu'ailleurs on se remet, le plus souvent, à l'initiative culturelle des familles. La vérité, c'est que quelques errements marginaux ne doivent pas faire oublier le travail de fond effectué partout par beaucoup d'enseignants scrupuleux, mobilisés, dans des conditions ingrates et des situations difficiles, pour permettre à tous leurs élèves d'apprendre. De " bonnes "écoles " pour être " entre soi " ? : La célébrité d'un établissement repose sur sa capacité à mettre en concurrence, pendant leur scolarité, des jeunes culturellement et sociologiquement à peu près identiques tout en les constituant en groupe de pression solidaire qui leur permettra de se serrer les coudes à la sortie. On se fait la guerre pour se faire la meilleure place, mais on forme un réseau efficace pour s'entraider après, dans une société où les " anciens de… " tiennent la plupart des clés de la réussite sociale. La peur de la mixité sociale : Voilà le point le plus délicat : le métissage des couches sociales et le voisinage, à nos portes, de quartiers d'Afrique et de cités françaises posent problème à beaucoup d'entre nous. On peut le comprendre : il existe une forme de pensée " politiquement correcte " qui a prôné la mixité sociale sans se donner les moyens de la réaliser sereinement et qui a fait, ainsi, le lit de la violence et de l'insécurité. L'homogénéité sociale des lycées prestigieux n'est qu'une illusion. Une illusion confortable, certes, mais une illusion quand même. L'égalité apparente des élèves dans la classe cache de profondes disparités qui réapparaissent dès que sonne le signal de la sortie. Mais il existe des " établissements ghettos ", symétriques des lycées prestigieux, des établissements où l'homogénéité sociale, voire ethnique, rend toute éducation difficile : la concentration de problèmes économiques et sociaux est telle qu'elle peut décourager les enseignants. Là, on ne rencontre plus la vraie différence. Comme dans les lycées d'élite, on est " entre soi " et c'est la rivalité pour dominer ou survivre dans le clan qui domine. Ces établissements existent parce que, justement, à l'autre bout de la chaîne, les grands lycées persistent dans leur politique sélective. Entre les deux, un système de déversoirs successifs. C'est tout ce système contre lequel il faut lutter. Mais ce n'est pas là strictement affaire de l'école, c'est l'affaire de la Cité. Et aujourd'hui, que faire ? : En attendant que le pouvoir politique traite sérieusement du problème de la mixité sociale dans les établissements scolaires, les parents sont soumis à la carte scolaire, telle qu'elle existe. Elle n'est pas parfaite et, souvent, au lieu de contrecarrer les ségrégations urbaines, les renforce. Mais ce sont des règles qui s'imposent à tous et permettent à chacun d'avoir un établissement d'accueil. Le scandale serait qu'un élève ne soit inscrit dans aucun établissement ! Dans une démocratie, on peut changer les règles mais, tant qu'elles existent, elles sont légitimes et nul n'a le droit de les détourner au profit de son intérêt personnel. Faire accepter cela à un adolescent, c'est aussi l'éduquer.

3) " Les enseignants sont des irresponsables ! " (Comment reconstruire la confiance entre l'Ecole et la famille ?) Une école et des enseignants qui réussissent plutôt bien : Pour l'essentiel, les enseignants de tous niveaux sont des professionnels sérieux et formés. Certes, comme dans tous les métiers, il y a une part de personnels qui ne font pas preuve d'une conscience professionnelle suffisante. Il y en a aussi qui réussissent moins bien que leurs collègues face à des situations scolaires analogues. Quelques-uns n'étaient peut-être pas faits pour exercer ce métier et certains y ont été mal préparés. Mais l'immense majorité d'entre eux est déterminée à faire réussir tous les élèves qui leur sont confiés au point que leurs parents leur font massivement confiance. Contrairement à une idée couramment répandue, le niveau ne baisse pas ; au contraire, il ne cesse de s'élever. Les jeunes ne savent pas forcément les mêmes choses qu'hier mais ils en savent plus. L'école a dû, en trente ans, accueillir beaucoup plus de jeunes. Et, dans le même temps, elle a su élever le niveau des connaissances et l'adapter aux évolutions de la société. Echec de l'école ou échec de la société ? : Toutefois, si ce résultat est incontestablement positif, de graves problèmes demeurent. En effet, si de plus en plus d'élèves réussissent, si le niveau général des connaissances s'élève, notre système éducatif laisse trop de jeunes au bord du chemin. Trop nombreux sont ceux qui n'arrivent toujours pas à acquérir une qualification, au moins du niveau CAP, ou qui ne parviennent pas au baccalauréat qui correspond aujourd'hui, de fait, pour la plupart des parents, au terme normal de la scolarité obligatoire. La vraie mission de l'école est de conduire toute une classe d'âge à une qualification reconnue. Dans cette tâche délicate, les enseignants doivent exploiter toutes les potentialités des enfants et valoriser toutes les formes d'intelligences et de compétences. Au fur et à mesure de sa scolarité et en découvrant toute la palette des activités scolaires qui lui sont proposées, tel enfant réussira dans tel domaine, alors que tel autre s'épanouira pleinement dans un autre domaine mais qui nécessite tout autant d'intelligence. Peut-on parler de succès pour l'un et d'échec pour l'autre ? Certainement pas. Si les talents sont divers, ils méritent une égale considération tout comme les voies scolaires qui sont empruntées par les uns ou les autres. En revanche, il existe bel et bien dans la société une hiérarchie des valeurs : certaines compétences, certains métiers sont plus valorisés que d'autres. Mais ce n'est pas l'école qui décide de cela. Elle y est même assujettie. Car l'école ne peut constituer, avec ses élèves, un continent à part, coupé des principes en vigueur et des systèmes de valeur de la société globale. Ainsi, c'est la société française toute entière, et non sa seule école, qui engendre le sentiment d'échec chez les familles dont les enfants sont orientés vers l'enseignement professionnel. C'est elle qui transforme ce sentiment en " réalité ". En refusant une vraie reconnaissance à certains métiers " manuels " ainsi qu'à bon nombre de " nouveaux métiers " en plein développement, nous condamnons par avance les efforts de l'école et des enseignants : on aura beau déclarer l'égale dignité des talents, tant que la reconnaissance sociale n'est pas au rendez-vous, personne n'y croit ! C'est pourquoi, en face d' "orientations " difficiles vers des voies dévalorisées, il ne faut pas parler trop vite d'un échec de l'élève, de ses enseignants ou même de l'école. Il s'agit, bien plutôt, d'un échec social, économique et politique. Le véritable échec de l'école : Cependant, il y a bien un échec propre à l'école : c'est son incapacité à faire éclore et à reconnaître de façon équitable les talents de tous les enfants et, en particulier, des plus défavorisés d'entre eux. A capacités égales, ils n'ont pas les mêmes chances de succès dans le système tel qu'il fonctionne aujourd'hui. Eviter les boucs émissaires : Ni les élèves, ni leurs parents ne peuvent être tenus pour responsables de la situation injuste qui est faite à certains dans l'école aujourd'hui. Comment pourrait-on reprocher à des parents de ne pouvoir aider leurs enfants, dès lors que leur culture d'origine, leurs activités professionnelles ou leurs propres difficultés dans l'existence les rendent étrangers aux réalités quotidiennes de l'école ? Rien n'est plus abusif que cette stigmatisation de la " démission " des parents qui sert de paravent à un fatalisme sociologique qui n'ose pas dire son nom. Construire un vrai " projet politique " pour l'école : Il faut sortir de l'idéologie des boucs émissaires et consacrer notre énergie à nous demander comment l'école pourrait être fidèle à son idéal et combattre véritablement les inégalités sociales. Plutôt que d'accuser, de condamner, de sombrer dans la nostalgie, regardons si l'on a vraiment tout essayé pour répondre à " l'obligation de moyens " nécessaire à la réussite de tous. Il faut maintenant que la société donne aux enseignants les moyens de remplir vraiment la mission qu'elle leur confie. Un grand pas serait franchi s'ils pouvaient, dans leur établissement scolaire, organiser, pour les élèves en difficulté, l'aide qui leur fait défaut et qu'ils ne pourront trouver chez eux. Cela est possible. Mais il existe une condition que tous les partenaires doivent accepter : que l'école donne plus à ceux qui en ont le plus besoin, sans retirer quoi que ce soit à tous les autres. Des enseignants plus compétents pour des parents plus exigeants : Il faut des enseignants capables de mettre véritablement en œuvre l'obligation de moyens qui leur permettra de retrouver la confiance totale de la population. Des enseignants qui puissent expliquer aux élèves et aux parents l'ensemble des dispositifs qu'ils leur offrent. Des enseignants qui ne pourront jamais réussir tout seuls - sans les élèves et leurs parents - mais qui pourront, en travaillant en équipe, offrir à tous le maximum de chances. Des enseignants qui assument ensemble leur responsabilité sociale en invitant leurs partenaires à assumer les leurs. En aucun cas, l'école ne progressera par l'exclusion. Elle ne progressera pas en excluant les élèves qui ont des difficultés ; elle doit, au contraire, inventer des solutions adaptées à chacun. Elle ne progressera pas en excluant les parents intimidés ou agressifs ; elle doit, au contraire, mieux les informer, leur donner les moyens de mieux faire face à leur mission. Il faut, pour cela, aux enseignants une ambition politique claire qui leur permette de savoir ce que la nation attend d'eux, de retrouver une véritable identité et la fierté de leur métier.

4) " Les profs, on ne peut jamais les voir ! " (Comment renouer le dialogue dans l'intérêt de l'enfant ?) La famille avec l'école : une nécessité pour aujourd'hui : Les enseignants, grâce aux informations fournies par les parents, pourront se demander comment valoriser certaines compétences des élèves, qu'ils n'avaient peut-être pas encore identifiés ; ils s'efforceront de pointer au mieux les réussites possibles et de recréer ainsi un climat de confiance. L'amélioration des relations familiales et du comportement scolaires iront alors de pair : plus à l'aise dans sa famille, l'élève sera moins pénible à l'école ; plus reconnu à l'école, il sera moins exigeant avec sa famille. Les enseignants disent trop souvent que les difficultés de leurs élèves sont dues à des problèmes familiaux…alors que s'ils réussissaient mieux dans les apprentissages scolaires, les élèves pourraient sans doute faire face plus facilement à leurs problèmes familiaux. Les parents croient trop souvent que les difficultés qu'ils rencontrent en famille avec leurs enfants sont dues à des échecs scolaires…alors que, s'ils savaient créer un climat plus serein en famille, leurs enfants réussiraient souvent mieux à l'école. Certes, les parents ressentent encore souvent de la réticence de la part des enseignants quand ils veulent parler avec eux des problèmes de leurs enfants. Mais les choses changent. Les fédérations de parents revendiquent le principe de la coéducation. Les syndicats d'enseignants ne s'opposent plus à ce principe. Les parents ont acquis un " droit d'entrée " à l'école publique, dans ses instances représentatives comme les conseils de classe ou les conseils d'administration. Parents encombrants et absents chroniques : Les parents trop présents sont ceux qui exercent sur les enseignants et l'école, comme sur leurs propres enfants, une pression parfois terrible qui conduit, le plus souvent, au bachotage obsessionnel, au détriment d'une véritable formation. A l'opposé de ces parents, il y a les absents chroniques. Les enseignants regrettent l'absence de contact avec eux, surtout si ce sont leurs enfants qui ont le plus de difficultés. Ces parents, trop éloignés de l'école, font partie, pour beaucoup, de ces " nouveaux parents ", ceux dont les enfants accèdent depuis peu à l'école. Ils sont, bien souvent, les moins initiés aux rouages de la machine scolaire, les plus démunis, les plus en décalage avec la culture et la langue des enseignants. Ils savent seulement que l'échec scolaire est synonyme d'exclusion sociale. C'est pourquoi ils ont honte de l'échec de leurs enfants, honte d'en parler. Ils ont le sentiment que les rares rencontres qu'ils ont eu avec les enseignants n'ont été que séances de reproches. Cette situation est d'autant plus douloureuse qu'ils ont, quand ils reviennent dans les murs de l'école, l'impression de revivre un passé scolaire personnel plus ou moins chaotique. Face aux parents " encombrants " et aux parents trop absents, mais face aussi à tous les autres, la responsabilité des enseignants et des cadres éducatifs est grande : c'est à eux de proposer des occasions de rencontre, de dédramatiser les situations tendues pour qu'un dialogue serein puisse avoir lieu. C'est à eux de permettre qu'une parole puisse se tenir, dans un registre constructif. En se demandant ensemble comment chacun des partenaires peut, de son côté et avec ses moyens propres, contribuer à la réussite d'un élève…qui est toujours aussi le fils ou la fille de ses parents ! Multiplier les occasions de rencontre entre les parents et l'école : Il n'est pas bon d'attendre la crise pour provoquer la rencontre, en convoquant en catastrophe une réunion qui devra travailler " à chaud ". C'est tout au long de l'année qu'une véritable démarche de partenariat doit être mise en œuvre. Les établissements ont, de plus, la responsabilité d'organiser des rencontres régulières avec las parents où de véritables échanges puissent avoir lieu. Toutes ces rencontres peuvent être de précieuses occasions pour tenir un discours positif, identifier ce qui réussit, réfléchir en commun aux moyens de mieux impliquer les élèves dans leur travail, inventer ensemble des solutions nouvelles. Limiter le comportement consumériste de certains parents, d'une part, réconcilier les autres avec l'école, d'autre part, sont deux tâches bien difficiles et différentes. Elles visent pourtant au même but : faire de l'école le lieu de la construction d'un pays plus démocratique.

CINQUIEME PARTIE : PROJETS ET UTOPIES

1) " Assez de pédagogie…qu'on travaille enfin ! " (Comment y voir clair dans un vieux débat ?) Faire apprendre : une activité contradictoire : Faire apprendre quelque chose à quelqu'un c'est l'engager dans un double mouvement contradictoire. C'est le stabiliser dans la confiance en soi et c'est le déstabiliser dans la méfiance à l'égard de soi. Faire apprendre quelque chose à quelqu'un, c'est l'encourager à se développer à partir de soi et de son propre chef. Faire apprendre quelque chose à un élève, c'est aussi lui apprendre à s'évaluer.

2) " Hors de la réussite scolaire, pont de salut ! " (Comment faire de l'école un lieu créateur d'humanité ?) Beaucoup de parents attendent de l'école qu'elle fasse de leurs enfants des " gagnants ". Il faut alors assumer cette évidence : si leurs enfants gagnent, beaucoup d'autres vont perdre. La structure du système éducatif est nécessairement le reflet d'un projet de société. 3) " L'école publique, c'est dépassé ! " Il est nécessaire que l'Etat garde la responsabilité de l'école, même et surtout dans un monde où l'économie mondialisée cherche à imposer sa loi. L'éducation est un domaine qui doit relever du débat démocratique, du consensus construit progressivement entre les personnes, de la confrontation des points de vue dans des instituions qui permettent de faire émerger " le bien commun ". L'école publique : une garantie et une chance : La décision démocratique doit, aujourd'hui, déterminer les finalités, les modalités et les conditions de l'enseignement dans l'institution scolaire publique. Ainsi, l'école publique restera publique si ses " usagers " participent à la définition de son projet et à l'invention des moyens de sa réussite.

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Un remerciement à l'auteur de la fiche : MARIE



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