Etre C.p.e. Aujourd'hui


Mai 2000 - 160 pages - ISBN n°2-909680-33-9 - 85 F

Le C.p.e. se situe à la croisée des chemins du pédagogique et de l'éducatif, parfois de l'administratif. Adulte-relais d'un quotidien scolaire très multiforme, il doit faire preuve de réelles facultés d'adaptation aux changements de la société, aux nouveaux publics, aux demandes des jeunes, de leur famille, mais aussi de l'administration. Ses évolutions successives sont le plus souvent des réponses aux attentes du terrain.

Cet ouvrage composé d'articles de spécialistes, de témoignages de C.p.e., d'analyses de formateurs, d'une enquête très complète auprès d'un nombre significatif de collègues fait le point sur la spécificité de la fonction actuelle de C.p.e. Il donne à apprécier à tous ceux qui sont concernés par le système éducatif du second degré, l'image d'un métier jeune, totalement émancipé de l'ancienne figure du " surgé " et qui s'invente en permanence. 

Sommaire

Préface

I. Le Statut de C.p.e

II. Fonctions du C.p.e.

Décret de 1989. Art. 4.
Entre péril d'absorption et nouvelle intelligence de la pédagogie.
C. Caré

III. Formations du C.p.e.

IV. Enquête sur les C.p.e.

Introduction
Le service des vacances
La circulaire de 1982
Les tâches refusées
Situation des C.p.e.
Le métier tel que vous souhaitez qu'il évolue
Conditions de travail
La formation
Equipe pédagogique
Les revendications
Logement de fonction
 
Le métier tel que vous l'exercez
Commentaire et conclusion

Les auteurs

Ouvrage coordonné par Jean-Paul Falcy, avec des contributions de

Préface

Malgré les turbulences que l'on connaît, on sait ce qu'est un professeur, les professeurs savent ce qu'ils sont. On sait ce qu'est un chef d'établissement, les chefs d'établissement le savent aussi. On pourrait décliner ceci avec les autres professions qui vivent dans les établissements scolaires, personnels administratifs, infirmières, documentalistes, Mi/Se, etc.'

La fonction du C.p.e. est plus difficile à cerner. Le C.p.e. est même, dit-on, " en quête d'identité "' A la différence des autres professions éducatives, des professeurs par exemple qui s'inscrivent dans la tradition, qui la continuent tout en la transformant, le C.p.e., lui, est en rupture avec sa tradition comme l'analyse l'article de P. Serazin : le " surgé " d'hier a disparu et ce malgré la demande souvent renouvelée de l'institution d'un retour en arrière. Dans un langage sociologique, on dira que le C.p.e. a changé de rôle, il ne fait plus ce qu'on attendait de lui, et il demande un statut : il attend, comme l'indiquent les témoignages des C.p.e. stagiaires, un comportement professionnel nouveau des autres partenaires de l'éducation à son égard.

" Le C.p.e. en quête d'identité " est pourtant une expression doublement paradoxale. D'une part, les résultats de l'enquête reprise dans cet ouvrage, menée en 1995 par Evelyne Salé auprès des C.p.e. sur leurs conditions de travail et sur leurs aspirations révèlent certes des différences, mais jamais de contradictions, plutôt des convergences profondes. Les C.p.e. ont une représentation assez homogène de leur métier. On peut se demander si cette identité ne fait pas plus question pour tous les autres partenaires du système éducatif que pour eux mêmes.

D'autre part, le statut du C.p.e. ne fait pas non plus question pour les élèves.  Cet ouvrage montre des actions entreprises par les C.p.e. qui répondent à une demande des élèves et des familles. Le C.p.e. est l'oreille de la société civile. Il enregistre ses évolutions contradictoires - aspirations individualistes, revendications démocratiques, tendances consuméristes, difficultés sociales, familiales, individuelles des élèves ' pour construire son travail éducatif et pour favoriser les apprentissages scolaires des élèves.

En cela, le statut du C.p.e. vit dans une " morale de l'ambiguïté " pour paraphraser la formule de S. de Beauvoir, entre l'institution et la société civile, entre l'administratif et le pédagogique, entre l'éducatif et l'instructif, entre les professeurs et les élèves ou les familles. D'où l'importance d'une formation généraliste selon R. Remy et C. Monin.

Pourtant, le métier de C.p.e. reste une interrogation souvent pour eux-mêmes et pour l'équipe éducative. Cet ouvrage non exhaustif sur la réalité de ce métier nouveau voudrait 'uvrer à la " reconnaissance " du C.p.e. en apportant un éclairage sur son rôle. Il s'agit de faire comprendre que la position intermédiaire, médiane, entre-deux du C.p.e. n'est pas de la bâtardise, ni un lieu indifférencié qui pour les uns serait un bouche-trou bien utile, pour les autres un flou artistique plaisant ou dérisoire. Le statut du C.p.e. est, comme le montrent R. Ballion et D. Durand, dans le médian, dans " l'inter " et en tant que tel, il est instable, fluctuant peut-être, mais aussi dynamique, évolutif. Cette évolutivité souvent incomprise est inconfortable mais elle est un atout du métier. D'aucuns voudraient que le C.p.e. soit " attaché "à la sphère de l'administration, d'autres que cette fonction disparaisse et que le rôle soit repris par les professeurs eux-mêmes. Or, comme l'écrit Y. Dutercq, c'est un métier d'avenir.

La présence du C.p.e. aux côtés des professeurs, ne serait-elle pas, en effet le garant du maintien de l'idéal de laïcité de l'école de la République ? La complémentarité, et non la fusion des fonctions de C.p.e. et de professeurs ne serait-elle pas la condition de l'exercice équilibré de l'institution ? Ne pas demander aux professeurs d'être d'abord ou exclusivement des éducateurs, mais leur demander d'instruire, c'est poursuivre, selon Condorcet, l'idéal républicain de l'émancipation de l'individu et de la formation du jugement du futur citoyen par le savoir. Faire du professeur essentiellement un éducateur, c'est risquer d'en faire un simple dispensateur de morale, - il faut dire que l'école ne s'en est pas privé, l'anticléricalisme d'hier était une forme de cléricalisme - c'est risquer l'entrée de toutes les idéologies ; on le constate déjà hélas dans la classe (" le foulard ", la morale puritaine, l'idéologie de l'entreprise). Moins de savoir, c'est plus d'idéologie et plus d'idéologie, c'est moins d'émancipation. Par ailleurs, l'acte d'enseigner requiert une " neutralisation " sociale et psychologique de l'individu dans l'espace de la classe, une sorte d'espace psycho-intellectuel déréalisé, abstrait, déconnecté de la vie pour permettre la mutation spirituelle, inhérente à tout apprentissage.

La violence symbolique inéluctable, l'expérience de la "  rupture épistémologique " selon l'expression bachelardienne n'est pas vécue comme une agression si elle se joue à partir de la fiction du " groupe classe " dégagé des pesanteurs concrètes des individus. On critique beaucoup l'école aujourd'hui de ne traiter les élèves que comme des individus abstraits mais on oublie un peu trop vite que c'est peut-être la condition majeure de l'apprentissage et du dépassement de soi, et que le problème est moins dans ce fait de l'abstraction que dans la manière d'amener les élèves à s'abstraire.

Comment s'intègre alors le travail essentiellement éducatif du C.p.e. dans l'émergence du sujet comme élève ? En mettant en contact la société civile, la famille, l'individu et l'institution, en étant à son écoute, en discutant avec les parents et les élèves, en reconnaissant la légitimité du point de vue des familles, il peut favoriser l'esprit de citoyenneté des uns et des autres par leur plus grande implication dans le fonctionnement de l'école. Il peut aussi permettre à l'institution de prendre conscience de ses insuffisances ou de ses limites et aider les professeurs à mieux se situer par rapport à leur public. En tenant en même temps le point de vue de l'institution, le C.p.e. éviterait les dérives populistes, démagogiques et moralistes, il aiderait les familles à mieux comprendre les finalités de l'école et de l'enseignement et l'élève à s'épanouir dans et par le savoir.

La collaboration sur fond de distinction entre le professeur et le conseiller protège et respecte l'élève comme individu et l'individu comme élève car elle maintient l'articulation et la distinction entre la vie privée et la vie publique du jeune et empêche de fusionner "la personne" et "l'élève ". Considérer un jeune seulement comme " élève", sans existence concrète, sans histoire, ne permet pas toujours un bon enracinement du travail pédagogique, mais ne considérer un jeune que comme " personne" , par définition respectable en soi, empêcherait tout travail de conversion par l'instruction. C'est parce que le C.p.e. considère la personne dans l'élève qu'il peut travailler les conditions psychologiques et sociales de l'apprentissage et c'est parce que le professeur voit dans la personne un élève qu'il peut donner les conditions intellectuelles de l'apprentissage. Le premier sans le second est une démarche vide, le second sans le premier une démarche aveugle.

En quête  de C.p.e." ne veut pas alors signifier seulement, " à la recherche d'une reconnaissance statutaire ", "  à la recherche d'une légitimité " mais, suggère que le C.p.e. est " requis ", par les professeurs et par les élèves, comme un élément important pour que l'école continue à être l'école républicaine, l'école du savoir pour tous.

Jean-Paul Falcy.

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