Parler comme on l'a fait [...] de malaise lycéen, c'est attribuer
à l'ensemble d'une catégorie un état lui même
mal identifié et mal défini.
En effet, les anxiétés que connaissent les
sections 'nobles' des grands lycées parisiens et leurs familles
diffèrent [...] de celles [...] des banlieues pauvres des grandes
cités.
Avant la massification, précipitamment appelée démocratisation,
on a découvert progressivement les fonctions conservatrices de
l'école libératrice. De plus l'échec scolaire est
apparu criant, échec scolaire qui fut expliqué par de
nombreuses causes, tant génétiques que sociologiques.
La sélection ne se faisant plus par anticipation comme auparavant,
l'école s'est révélée conservatrice au point
de s'approprier, inconsciemment parfois, cette fonction.
La différence cependant est que le processus d'élimination
est différé et étendu dans le temps, dilué
dans la durée et de fait l'institution est habitée durablement
par des exclus en puissance. "il est clair qu'on ne peut faire
accéder les enfants des familles les plus démunies économiquement
et culturellement aux différents niveaux du système scolaire
[...] sans modifier profondément la valeur économique
et symbolique des diplômes.
Mais qui en paye le prix ? : les plus défavorisés
qui n'obtiennent au bout du compte qu'un diplôme dévalorisé.
Et s'ils échouent ils sont voués à un destin plus
traumatisant que par le passé. l'échec scolaire est ainsi
de plus en plus vécu comme une catastrophe. Par l'orientation
de plus en plus précoce et plus en plus décisive, la sélection
se fait étalée et en douceur. Mais paradoxalement le résultat
cruel de ces choix décisif ne se fait jour que très tard,
ce qui entretient des élèves en sursis dans une croyance
impossible en fait. Mais le pire résultat est le malaise chronique
qu'institue l'expérience de l'échec, une image de soi
durablement écorchée, blessée ou mutilée.
Et ce à tous les niveaux de filière. Quant à la
complexité, à la multiplication des filières et
possibilités, elle joue le jeu social dans le sens ou les familles
les mieux informées sauront jouer et trouver leur intéret
alors que les moins informées, et donc les moins favorisées
socialement, ne pourront s'en remettre qu'au hasard ou aux injonctions
de l'institution. Ainsi les filières amenant aux positions sociales
les plus fortes restent aussi exclusives que par le passé.
Et notre système réussit le tour de
force de réunir les apparences de la démocratisation et
la réalité de la reproduction.
L'école exclut, comme
toujours, mais à tous les niveaux de cursus.