L'Echec Scolaire :
Usage social et Usage scolaire de l'orientation

Antoine PROST
Voir la fiche d'un de ces ouvrages

 

 

Constitution du système | Usage social du système | Usage scolaire de l'échec | Bas de page

La Sociologie n'échappe pas à l'Histoire, et réciproquement : chacune des deux est pour l'autre un objet d'étude possible. Ce glissement de la sociologie de l'éducation s'inscrit dans l'évolution même du système éducatif. Si l'on est passé d'analyses ou l'échec scolaire était d'abord celui d'une pédagogie à des constats décourageants qui en font le produit d'un système, c'est aussi parce que le statut de l'échec scolaire s'est modifié [...].

I> la constitution d'un véritable système scolaire.

  • Une politique volontariste du développement : on représente généralement l'explosion scolaire comme une réponse à la demande sociale. Or c'est peut être aussi et surtout une politique volontariste. Ordonnance du 6 janvier 1959 (Berthoin) qui prolonge la scolarité à 16 ans. Création du cycle d'observation par un décret du même jour. Circulaire du 17 mai 1960 etc... [...]. En bref une politique volontariste avec pour racines des raisons économiques et sociales (retard économique, démocratisation et égalité des chances). Pour preuve : les dépenses totales de l'Etat pour l'éducation Nationale doublent entre 1957 et 1966 (8% à 17 %). Ainsi on ne répond pas à la demande sociale, on la précède, c'est une politique volontariste.
  • Une politique de rationalisation : Cette politique coutant cher, il faut rationaliser. Ainsi on prolonge la période de détermination des choix scolaires : le décret du 3 aout 1963 (réforme Fouchet) ajoute deux années de cycle d'observation (4e et 3e). De plus une ambitieuse politique de construction traduit la volonté de rendre autonome le premier cycle : un collège par jour ouvrable pendant 10 ans à partir de 1965. Enfin, des procédures d'orientation se mettent en place. Au niveau administratif se met en place une véritable machine, qui prouve et éprouve sa propre efficacité. Ces soucis gestionnaires font apparaitre les premiers indicateurs de l'échec scolaire et de la mauvaise gestion. On commence à leur préter attention. Or 20 ans plus tard l'échec scolaire n'a pas reculé : dérive ou fatalité [...] ?

II> L'usage social du système scolaire

  • Une société mandarinale : C'est quand les positions sociales sont déterminées par les concours scolaires. Si ce serait excessif de penser notre société ainsi, il reste que le lien entre diplôme et position sociale est très étroit en France. Exemple des grandes écoles. Ce lien s'est d'ailleurs resserré, la croissance de la scolarisation a entrainé une sélection plus forte, la multiplication des diplômés accroit les différences. Bref, "la réussite scolaire semble plus que jamais nécessaire à la réussite sociale". Pourtant le diplôme n'est pas une condition suffisante, mais hélas notre société surestime le poids des diplômes.
  • Stratégies sociales et hiérarchies scolaires : Les familles adoptent des stratégies scolaires adaptées aux objectifs qu'elles visent. Ce sont des stratégies sociales dépendantes donc des milieux sociaux (théories du coût/avantages) mais aussi des stratégies déterminées par l'aval, anticipatrices. Ces stratégies créent une relation d'ordre entre les différentes filières scolaires, une hiérarchie ! : trois remarques : - cette hiérarchie s'entretient et se renforce d'elle même, - cette hiérarchie tend à s'affiner, - la responsabilité de ces hiérarchies est partagée. Ainsi "dès lors que l'usage social du système scolaire engendre en son sein des hiérarchies, l'échec scolaire est inéluctable".
  • Il n'est d'orientation que par l'échec : Il n'est pas une fatalité, il est aussi indispensable de lutter contre lui que contre la maladie. Mais dans notre système, l'orientation est une orientation par l'échec. Il faut cependant oeuvrer pour une orientation positive, chercher à faire faire des études dans lesquelles l'élève trouvera son propre épanouissement. Or il faudrait une harmonie préétablie et celle ci ne peut exister pour deux raisons : - Inertie du système scolaire - La demande est sociale, pas scolaire (elle est demande de positions sociales). En fait on veut distinguer une élité et quoi que l'on fasse la société utiliserait d'autres moyens pour accéder à cette demande. Ainsi l'orientation positive est exclue et l'on comprend mieux pourquoi des jugements contradictoires sont opposés à la démocratisation de l'enseignement.

III> L'usage scolaire de l'échec scolaire

  • A quoi sert l'orientation par l'échec ? : elle accroit la pression sélective sur les élèves, bref il ne faut pas être orienté. Cette pression accrue permet au système scolaire de surmonter deux obstacles majeurs de son fonctionnement : - l'écart grandissant entre culture scolaire et son public (distance culture école/élève, usage utilitaire qui a détruit les motivations, savoirs scolaires éloignés de l'expérience commune...) - difficultés sociologiques (conduite de classe difficile, autorité larguée, refus de l'univers des adultes). Donc la crainte de l'orientation est une relation de pouvoir, de pression, sur les élèves.
  • Le paradoxe de l'orientation prolongée : Réforme de 1980 mieux comprise ainsi (seconde de détermination). Une analyse optimiste pourrait la présenter comme un refus de ségrégation précoce, une lutte contre l'échec scolaire. Une autre plus pessimiste pourrait présenter cette réforme comme une année supplémentaire pour sélectionner encore plus les élèves, il faut retarder le moment ou l'échec est définitivement sanctionné. " La pression exercée sur les élèves ronge, de l'intérieur, la formation dont elle prétend garantir le niveau. Bel effet pervers d'un effet lui même pervers ! ".

CONCLUSION : La voie étroite ...

Il semble en effet que dans une société qui présente simultanément les deux caractères d'une forte hiérarchisation
et d'un lien étroit entre réussite scolaire et réussite sociale, il ne puisse avoir d'orientation que par l'échec...
Ne peut on rien tenter? si : il faut réduire les inégalités sociales, il faut desserrer le lien diplôme - position sociale ainsi que celui entre succès scolaire et réussite sociale: rendre réparables les échecs scolaires, arréter de prôner une seule et même section élite, insister sur la "formation commune de base".

Constitution du système | Usage social du système | Usage scolaire de l'échec




Fiches
Retour résumés