Sommaire

Introduction

Partie I : Création progressive  et  conséquences du « Collège Unique »

A. L’évolution vers le collège unique

1.  La scolarité d’antan

a)   Le primaire supérieur
b)  Les lycées
c)   Prise de conscience de l’inégalité devant l’instruction

2.  Le problème de la démocratisation

a)   La reforme de 1941 : démocratisation « involontaire »
b)  L’apparition du « tronc commun »

3.  L’évolution vers le « collège unique »

a)   Réforme du 6 janvier 1959 (« réforme BERTHOIN »)
b)  Réforme de 1963
c)   Construction massive d’établissements et unification des structures administratives
d)  Réforme HABBY : unification des structures pédagogiques. Achèvement de cette évolution

B. Bilan : Nouveau public et conflit au collège

1.  Une démocratisation manquée

a)   Inégalités entre les établissements
b)  Inégalités entre les élèves

2.  Nouveau public

a)   Exclus de l’intérieur
b)  Elèves difficiles

3.  Définition de la situation et conflits au collège

a)   Tension autour d’une définition de la situation
b)  Décalage entre professeurs et élèves
c)   Décalage entre professionnels
d)  Vers un arrangement local

Partie II  Les rôles officiels du CPE

A. Remarques préliminaires

1.  Conseiller d’éducation ou Conseiller Principal d’Education ?
2.  Correspondance des dates

B. Les rôles « officiels » du CPE

1.  Du « surgé » au CPE

a)   Un ancêtre : le surveillant général
b)  Vers le CPE : de la discipline à l’éducation

2.  Première définition des rôles du CPE

a)   Création officielle du statut
b)  L’héritage du Surgé
c)   De nouveaux rôles
d)  Incompatibilité des rôles

3.  Redéfinition de la profession

a)   Bien vivre dans l’institution scolaire
b)  Equipe, projet et relations
c)   Prise en compte de la diversité des contextes

C. Conclusion

Partie III  Observation de terrain

A. Description du CPE dans la littérature

1.  Typologie basée sur les domaines d’action du CPE
2.  Typologie basée sur les figures du CPE
3.  Typologie des rôles du CPE en fonction des types d’établissement

B. Objet et méthode d’observation

1.  Le choix du collège
2.  Observation in situ
3.  Les lieux d’observation : la vie scolaire comme coulisses de la scène

C. Description de l’établissement

1.  Présentation du Collège Olympique

a)   Lieu d’implantation et infrastructure
b)  La politique éducative du collège

2.  Organigramme du collège et acteurs de la vie scolaire

a)   Organigramme
b)  Les surveillants et les emplois-jeunes
c)   Les professeurs
d)  Le chef d’établissement et son adjoint
e)   Les élèves
f)   La CPE

Partie IV  Le CPE au quotidien

A. Un mode d’organisation particulier : la dispersion

1.  Dispersion
2.  Conséquences

B. Le CPE dans le fonctionnement de l’établissement

1.  Un rôle d’administrateur

a)   Relations administratives avec les élèves
b)  Relations avec le chef d’établissement touchant au domaine administratif

2.  Un rôle de coordinateur

a)   Organiser l’équipe « vie scolaire »
b)  Coordonner les activités scolaires et périscolaires

C. Le CPE au carrefour des relations

1.  Un rôle d’intermédiaire avec le monde extérieur

a)   Relations avec les parents
b)  Relations avec les éducateurs de l’extérieur

2.  Un rôle d’intermédiaire dans les relations internes

a)   Gérer les relations enseignants/élèves
b)  Gérer les conflits entre élèves

D. Le CPE et le suivi des élèves

1.  Un rôle de spécialiste des comportements

a)   Observer et connaître les élèves
b)  Le suivi des comportements

2.  Le CPE comme modérateur

a)   La figure du modérateur chez E. GOFFMAN
b)  L’élève : un rôle imposé
c)   CPE comme modérateur
d)  Processus de modération d’un élève

Conclusion, Bibliographie, Annexe


Introduction

« Il a existé pendant quelques décennies dans les collèges et les lycées publics de notre pays des surveillants généraux; on disait aussi les  surgés . Ils étaient craints de presque tous les élèves à très juste titre : ils étaient, comme leur nom l'indiquait fort bien, les chefs des surveillants. Ils surveillaient les cours, les couloirs, les permanences, les réfectoires, les dortoirs...

Fallait-il surveiller ? Oui. Parce que la nature humaine est ce qu'elle est. Parce que la peur du gendarme est le commencement de la sagesse. Parce que toute communauté humaine a besoin de lois ou de règlement intérieur et que ces lois ou leur équivalent scolaire doivent être respectées pour que le lieu soit tout simplement vivable. Faut-il surveiller, en 1999 ? Oui. Mais, depuis pas mal d'années, les surgés sont devenus des conseillers principaux d'éducation (CPE). Le nom de ces fonctionnaires a changé, leur état d'esprit, leurs ambitions aussi. Le mot " conseiller " me semble curieux. Il ne s'agit nullement de conseiller qui que ce soit. Il faut surveiller et il faut aussi suivre les instructions du chef d'établissement. Passons sur " principaux ", nouvelle flatterie inutile et qui n'instruit pas sur la profession. Reste le troisième élément, tout aussi bizarre que les premiers. Pourquoi décider que ceux qui doivent surveiller et rendre possible l'essentiel, à savoir l'enseignement, seraient considérés comme des spécialistes en matière d'éducation ? On peut faire certes quantité d'autres choses : de la confession, de l'action culturelle, de l'animation, de la médiation, de l'appui aux élèves face aux professeurs jugés trop autoritaires, de la démagogie... Mais je demande que les CPE redeviennent des surveillants généraux, pour surveiller et stopper le laxisme qui empoisonne l'enseignement public français. Est-ce un souhait déraisonnable ? »

 Patrice CHAROULET (SEINE-SAINT-DENIS)

Lettre publiée dans le courrier des lecteurs du journal Le Monde du 26 juillet 1999.


            Un souhait déraisonnable ? Nous ne pouvons l’affirmer sans rentrer dans des jugements de valeurs. Déraisonné ? Sûrement car cette personne, comme beaucoup d’autres, empruntant ces raccourcis que sont les préjugés, oublie que nos actions et nos pensées s’inscrivent toujours dans un contexte social proche ou lointain, quotidien ou historique. Le CPE n’a jamais été l’objet d’études sociologiques spécifiques contrairement aux autres acteurs des établissements scolaires : élèves, enseignants, chefs d'établissement... Certes on en parle parfois allusivement au détour d’une description de ces « autres acteurs » de l’établissement, mais on ne cherche rarement à l’aborder de plus près, à situer son rôle par rapport à l’institution et à ses membres. Pourtant nous pensons que cet acteur particulier au système éducatif français a une position centrale dans le monde scolaire bien qu’il passe souvent inaperçu du fait que son travail est souterrain, en arrière plan par rapport aux activités des enseignants. Notre étude, nous l’espérons, contribuera à combler ce manque.

Créé en 1970, le métier de CPE est apparu à la suite des grandes réformes du collège et du lycée des années 60-70. Aussi, nous chercherons à montrer en quoi il est une réponse aux problèmes apparus avec ces changements structurels qu’a connu l’enseignement secondaire. En effet, ne peut-on pas considérer, à travers les textes officiels définissant sa fonction tout comme dans sa pratique quotidienne, que le CPE remédie à une situation mal définie de l’institution scolaire ? Alors, quelles différences pourrons nous tirer de cette mise en perspective des prescriptions officielles et de la pratique ? Finalement, en quoi les rôles qui lui ont été conférés et qu’il tient au sein des établissements scolaires ne peuvent-ils s’expliquer et se comprendre qu’en référence aux contextes macro et micro sociaux dans lesquels ils s’inscrivent ?

Notre approche se situe clairement dans la lignée de l’interactionnisme tel qu’il a été développé par A. STRAUSS qui relie l’action à son environnement structurel. En effet, on trouve chez cet auteur une volonté constante de joindre le niveau de l’acteur individuel et les micro-processus sociaux d’une part, et le niveau macro-social structurel qui pèse sur les conditions de l’action d’autre part. Cette idée de contexte à deux étages nous guidera tout au long de notre recherche. Dans cette optique, nous tenterons de mettre en rapport les rôles du CPE avec l’évolution de l’enseignement secondaire (contexte lointain) et sa pratique quotidienne (contexte proche). Aussi, il nous paraîtra important de confronter les théories rencontrées à des observations dans un collège.

Il faut justifier dès à présent le choix de nous limiter à l’étude des CPE exerçant en collège. D’une part, c’est autour de cette institution qu’ont été entrepris les différentes réformes de l’enseignement secondaire, le collège étant le point de départ de la « massification » ce qui aura, comme nous le verrons, de lourdes conséquences. D’autre part, le collège accueille un public particulier (les élèves) différent de celui des lycées : c’est le lieu de la scolarité obligatoire pour tous les adolescents de 11 à 16 ans, tranche d’âge qui en fait un lieu d’éducation et de socialisation. Les élèves des collèges ont plus de choses à apprendre sur le monde et sur la vie en société que ceux des lycées (plus proches de l’âge adulte), ceci impliquant au final un travail différent pour le CPE. Les deux cycles de l’enseignement secondaire, collège et lycée, nous ont paru trop dissemblables pour y étudier conjointement le rôle du CPE. Pour toutes ces raisons, il nous a paru plus pertinent de restreindre notre enquête au seul collège.

Dans un premier temps, il s’agira de rappeler les grandes étapes de la constitution du collège unique. Comment sommes nous arrivés au collège tel que nous le connaissons aujourd’hui ? Comment au nom de la démocratisation, sommes-nous passés d’une structure inégalitaire à deux étages (l’enseignement secondaire pour « l’élite » et le primaire supérieur pour la « masse ») à une structure unique d’enseignement secondaire ? Il nous semble en effet important de rappeler la construction progressive du collège actuel pour mieux comprendre les différents problèmes qui s’y sont posés et qui s’y posent encore. Aussi, nous tenterons de dresser un bilan du « collège unique » et des conséquences de l’introduction d’un nouveau public dans l’enseignement secondaire.

Ainsi, nous serons alors plus à même d’aborder la création du corps des CPE et la place qu’ils tiennent au collège. En effet, le CPE n’est-il pas une sorte de remède ? Le fait qu’il remplace le surveillant général n’en est-il pas une première confirmation ? Nous tenterons de répondre à ces questions à partir de l’étude des textes officiels définissant ses rôles. Il semble en effet qu’au niveau des dates et du contenu de ces textes, une correspondance puisse être établie.

Cependant, nous ne pourrons nous contenter de l’aspect théorique des textes officiels et nous nous appuierons alors sur des observations. Tout d’abord, à travers la littérature consacrée au métier CPE, nous chercherons à approcher et à recontextualiser son travail dans le monde scolaire actuel. Cela nous permettra par la suite de déterminer précisément les conditions et le contexte dans lequel s’est déroulée notre enquête, notamment en définissant le type de collège étudié, notre méthode d’observation et les acteurs rencontrés.

A partir de là, nous chercherons à analyser les rôles du CPE sur la base de nos propres observations de terrain et d’entretiens réalisés avec différents CPE. Il s’agira d’abord de décrire globalement la manière dont le CPE effectue son travail, quel est son mode d’organisation. Puis, nous tenterons de répartir ses principaux rôles (tels qu’ils nous sont apparus) dans différents domaines et ce en fonction des types de relations qu’il entretient avec les autres acteurs de l’établissement. A travers les interactions qui ponctuent le quotidien du CPE, nous verrons en quoi sa position au sein du collège peut répondre à un certain nombre de problèmes qui traversent le « collège unique » depuis sa création.

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