Dissertation
PROPOSITION DE CORRIGÉ

 

La question de la discipline constitue une préoccupation majeure de nos établissements du second degré. Constat de carence qui renvoie aussi bien à un imaginaire du métier, à une époque révolue du système éducatif, qu’aux difficultés actuelles d’enseigner dans des conditions satisfaisantes. Les enseignants se plaignent chaque jour des classes agitées, des élèves bruyants, incapables de tenir assis, des insolences diverses. Bref, la discipline n’est plus ce qu’elle était. Hormis quelques établissements protégés (privilégiés), les collèges et les petits lycées de centre-ville, on ne compte plus les établissements où le problème du manque de discipline ne se pose de façon plus ou moins larvée. Dans les établissements des zones périphériques, ZEP ou zones sensibles, le problème de la discipline est très largement dépassé. Les incivilités, la violence, la délinquance même sont entrés dans l’établissement et créent un climat permanent qui perturbe gravement l’action éducative. Une question se pose alors : comment rétablir le minimum de paix scolaire susceptible d’ancrer un discours pédagogique ? Et est-ce cela la discipline ?

Si l’on raisonne non plus par défaut, mais par rapport au savoir ou au souvenir que nous avons de la discipline, on peut dire que, dans le milieu scolaire, la discipline est un phénomène naturel qui conditionne la pratique éducative. On ne peut enseigner que s’il y a de la discipline. Que si les élèves acceptent spontanément d’écouter le professeur. Inversement, dès qu’un élève bavarde ou se distrait, il concentre l’attention sur lui et perturbe le cours. Le professeur est obligé de s’interrompre pour rétablir les conditions minimales de la leçon.

On peut donc se demander quelle est la nature de ce phénomène : pour quelles raisons les élèves acceptent-ils d’emblée ou n’acceptent-ils pas de se conformer à l’action éducative ? La première hypothèse à formuler est celle de la dimension coercitive de l’éducation. Et dans ce cas, pourquoi ne savons-nous plus assumer cette dimension ? Deuxième question : ne peut-on pas soupçonner la valeur de l’éducation dès lors qu’elle s’appuie sur la discipline pour imposer ses représentations du monde. La contrainte en éducation pose un vrai problème : est-elle légitime et comment peut-elle conduire à l’autonomie et à la liberté du sujet ?

Pour répondre à ces questions d’actualité de la vie dans les collèges et les lycées, nous nous interrogerons sur les aspects de la discipline dans l’histoire de la scolarisation, puis nous verrons pourquoi cette histoire se dégrade jusqu’à l’anomie avant d’envisager s’il est possible de la refonder aujourd’hui.

I – La Méthode disciplinaire

Pour le sens commun, quand on évoque la discipline, on sait de quoi l’on parle. On a tous connu des exigences scolaires basées sur des règles intangibles. Nous sommes familiers de cet univers scolaire fait d’obéissance et d’autorité. Mais cette première image de la discipline n’est qu’une représentation très atténuée de ce que pouvait être la discipline à l’âge classique, au moment où le phénomène scolaire se met en place. On constate à cette époque deux courants de scolarisation : les petites écoles des enfants pauvres, et les collèges destinés aux enfants de la bourgeoisie. Dans le premier cas, il s’agit de prévenir la petite délinquance qui accompagne le processus d’urbanisation. Dans le second cas, il s’agit d’enseigner aux enfants des classes moyennes la culture écrite qui se développe de plus en plus au point de devenir un moyen de communication indispensable à la vie économique du pays. Mais dans les deux cas, le phénomène scolaire qui se met en place sous l’égide des ordres religieux est un régime disciplinaire qui est calqué sur le modèle de l’organisation monacale. L’autorité y est absolue. L’organisation totale. Elle ne laisse aucune place à l’initiative.

Les principes généraux de cette école sont l’enfermement et l’obéissance à la règle. C’est pourquoi Michel Foucault (Surveiller et Punir, Gallimard, 1975) fait de cette école le premier modèle de la prison. Dans les petites écoles qui préfigurent les institutions de redressement, les enfants plus ou moins abandonnés et prédélinquants reçoivent des rudiments de culture et un enseignement religieux car il s’agit avant tout de les éduquer pour en faire de bons chrétiens soumis aux lois de Dieu et de la cité. Dans les collèges de Jésuites, l’optique n’est pas la même, mais la méthode est similaire : les enfants doivent se familiariser avec la culture écrite, mais la base de l’enseignement reste la religion : lecture de la bible et des pères de l’église, messe, confession, pénitence, étude. Le programme scolaire est fidèle à la doctrine de l’ordre et il s’applique partout de la même façon dans tous les établissements de l’ordre. Pour les jésuites, par exemple, la ratio studiurum établit la règle des établissements de toute l’Europe.

La conception de l’enseignement emprunte beaucoup au modèle monacal, il s’agit de créer un univers fermé sur lui-même, coupé du monde et réglé sur les principes de la transcendance. La règle ne se discute pas parce qu’elle sert d’abord à obéir à Dieu. Les principes de l’apprentissage relèvent du dressage et du conditionnement. Comme le montre Michel Foucault, le maître parle peu, il commande par signaux brefs et l’élève doit s’exécuter dans l’instant : lire, reprendre les derniers mots, s’arrêter pour qu’un autre élève puisse reprendre la lecture, etc.

La particularité fonctionnelle et morale de cet espace disciplinaire, c’est son manichéisme. L’apprentissage scolaire est un monde coupé en deux ! ce qui est bien et ce qui est mal. Ce qui convient à Dieu et ce qu’il faut éliminer de la pensée de l’enfant. C’est pourquoi la sanction tient une place centrale dans ce modèle d’éducation. La punition intervient quand l’élève ne répond pas aux attentes du maître. Elle est très rigoureusement codifiée dans sa forme et dans son exécution. Elle n’est en général pas assumée par le maître mais par un punisseur dont c’est la tâche spécifique. La punition, comme l’apprentissage, passe par le corps. Il s’agit pour l’élève, d’expier sa faute et c’est ce qui légitime le plus souvent l’usage du fouet. Dans cette pédagogie disciplinaire, faite d’obéissance passive et de silence, les seuls bruits que l’on peut entendre sont les claquements des signaux du maître et ceux du punisseur qui abat son fouet sur les élèves.

Cette pédagogie pouvait se justifier à l’époque classique. C’est la première fois que l’on expérimente la méthode simultanée, c’est-à-dire que l’on regroupe des enfants, entre 100 et 150, dans une même classe pour leur transmettre en même temps les mêmes connaissances. La discipline répond donc à des exigences techniques. Mais elle correspond aussi à l’eschatologie chrétienne qui induit une vision pessimiste de l’enfant : l’école a mission de purifier l’enfant marqué par le péché originel, et inévitablement porteur du mal. Enseigner, c’est dresser les corps pour éduquer les âmes.

On voit donc comment cette pédagogie des origines est éminemment tributaire des circonstances et du milieu qui l’ont fait naître. Mais une éducation basée sur la peur du châtiment et l’idéologie de la transcendance est-elle encore une éducation ? La discipline n’est ici que le moyen du dressage, elle conditionne plus qu’elle n’éduque. Elle crée les conditions de la soumission et non celles de l’autonomie et de la liberté. C’est la raison pour laquelle cette conception de la discipline pose problème aux philosophes de l’éducation et aux pionniers de l’action éducative qui, dès le XVIIIe siècle vont interroger cette notion et même tenter de l’évacuer. En un mot et en caricaturant un peu : peut-on éduquer sans discipline ?

II – Une Éducation libérale est-elle possible ?

Tandis que l’on s’interroge sur ce qu’est la discipline, sur ce qui fonde cette soumission naturelle de l’enfant à l’adulte, mais sans basculer dans l’arbitraire, Rousseau (Émile, 1762) propose un modèle d’éducation qui, dans un premier temps, évacue la notion de discipline. Il faut laisser faire l’enfant. Il faut qu’il puisse donner libre cours à ses désirs avant de voir par lui-même qu’il a besoin d’autorité. Mais c’est à ce moment là, ce moment là seulement que l’éducateur peut se permettre de conseiller et de guider l’élève en usant de la discipline : c’est la base du contrat éducatif :

« Mon jeune ami, l’expérience vous manque, mais j’ai fait en sorte que la raison ne vous manquât pas. Vous êtes en état de voir partout les motifs de ma conduite ; il ne faut pour cela qu’attendre que vous soyez de sang froid. Commencez toujours par obéir et puis demandez-moi compte de mes ordres. (... ) Vous promettez d’être docile, et moi je promets de n’usez de cette docilité que pour vous rendre le plus heureux des hommes » (Rousseau, Émile)

Pour Rousseau, la discipline est contractualisée. Elle ne s’exerce pas sans précaution et sans préalable, après coup, elle doit être explicitée. Mais il faut en faire l’économie le plus souvent possible, car l’éducation repose sur l’expérience organisée à l’insu de l’élève, par la main invisible de l’éducateur.

Dans le même courant libéral, ouvert par Rousseau, se situe Pestalozzi qui, lui aussi, se dégage de la discipline. Dans ses communautés auto-gérées, il préconise une pédagogie active qui se base sur l’intérêt de l’enfant. La pédagogie de Pestalozzi est dite « naturelle » parce qu’elle s’ancre dans la nature de l’enfant et qu’à ce titre elle relève de trois registres : la tête, le cœur, la main, autrement dit ce qui découle de l’acquisition de connaissance, ce qui repose sur le vouloir et ce qui, enfin s’exprime en termes de pouvoir. Dès lors que l’éducateur s’appuie sur la triade « tête- cœur - main », il n’a plus vraiment besoin de la discipline. En tous cas, la discipline n’est plus le seul levier psychologique de l’action éducative.

Dans les pédagogies alternatives qui jalonnent le XIXe siècle, la question centrale est celle de l’économie de la discipline : notion gênante dont les fondements paraissent contradictoires. John Dewey qui clôt cette période de la pensée éducative et qui, par certains côtés, est déjà notre contemporain propose un système qui écarte ostensiblement la notion de discipline de même que la notion connexe d’effort. Pour John Dewey, l’école n’est pas la préparation à la vie mais c’est la vie elle-même. C’est pourquoi il ne faut pas attendre que l’enfant produise des efforts en pure perte ou pour plus tard, il n’accepte l’école, ses contraintes, ses obligations que si cela répond à sa curiosité et à son intérêt. Le challenge de l’éducateur n’est donc pas d’imposer la discipline scolaire mais de susciter l’intérêt et comme le préconise Rousseau, d’organiser l’expérience éducative.

La problématique de l’éducation nouvelle s’esquisse ici, avec J. Dewey puis avec d’autres (Ferrrière, Cousinet, Claparède, Montessori) qui considèrent la contrainte comme inefficace et qui cherchent quels sont les moyens actifs de l’éducation. L’éducation nouvelle trouve un écho scientifique dans les recherches de la psychologie de l’éducation. Cette science à la base de la méthode pédagogique est un moyen de reléguer l’autorité et les formes de contrainte qui l’accompagnent.

Or ce n’est pas simplement au nom de la rationalité éducative, mais au nom même de l’éducation que s’élèvent, dans les années 1968, les débats qui stigmatisent l’ordre disciplinaire. Des expériences pédagogiques comme celle de Hambourg ou celle de Summerhill, d’autres expériences comme celles de Rogers ou d’Hameline se révèlent des lieux de contestation violente de la discipline. Au cœur du projet de pédagogie libertaire, la question du pouvoir : comment éduquer dans le cadre de la contrainte ? Est-il possible d’éduquer en confisquant le pouvoir ? Comment impliquer les élèves dans les choix pédagogiques ? Bref, dans les années 70, une contestation violente de l’autorité et de la discipline ne permet plus de maintenir tel quel le principe de la discipline.

Avec Rogers on invoque le principe d’une pédagogie libre, centrée sur l’élève qui élabore lui-même, collectivement, ses programmes et ses méthodes d’enseignement. En se désignant comme « non-directive, cette pédagogie s’affiche ouvertement comme une pratique scolaire non-disciplinaire. Mais d’autre part, en restant expérimentale et marginale, elle se révèle inappropriée aux objectifs de l’éducation.

Il en est de même de la pédagogie développée à Summerhill où l’enfant est libre d’aller ou de ne pas aller en cours. Sans autorité, sans discipline, l’enfant est livré à lui-même et n’a plus de repères pour orienter son action. Comme dans la pédagogie institutionnelle (Aïda Vasquez, Fernand Oury, Georges Lapassade, Michel Lobrot, Félix Guattari) qui inspire des expérimentations dans les années 1970, c’est l’assemblée des élèves (le conseil) qui institue la loi de l’école mais cette loi ne peut pas régler l’action au quotidien, elle n’est pas suffisante pour structurer une personnalité véritablement libre de ses choix sans dépendre des contingences du moment ou des fantasmes de puissance qu’elle peut provoquer.

Ces exemples de pédagogie sans discipline sont utiles à plus d’un titre, car ils montrent l’impasse que représente une éducation dépourvue de loi symbolique et de règles contraignantes. Ils mettent en évidence les limites d’une pédagogie sans limite. La pédagogie ne peut pas fonctionner si elle ne pose pas le conflit de l’autorité comme la base de l’action éducative. Au lieu de construire la liberté à partir des exigences de la vie et du principe de réalité, ces pédagogies de la liberté développent des fantasmes de puissance et de plaisir. Faute de repères, l’autonomie ne parvient pas à se structurer et débouche le plus souvent vers l’angoisse. Ces modèles d’éducation n’éduquent pas à la liberté, ni même à la démocratie qui exigent au contraire l’espace de la loi. L’idée d’une liberté non-limitative est celle du loup dans la bergerie. C’est le règne des caïds dans l’école. Ce n’est pas ce que l’on recherche quand on souhaite inculquer des valeurs d’autonomie et de liberté. Il faut donc continuer à se tourner vers la discipline pour comprendre et donner sens à l’action éducative.

III – Le sens de la discipline

L’épisode des pédagogies sans discipline ou tournées vers l’intérêt de l’enfant reste intéressant car il met l’accent sur deux types d’abus : d’une part, une contrainte trop forte sans rapport avec les besoins de l’éducation, d’autre part, une contrainte trop faible qui ne sait plus orienter l’enfant et lui donner les repères dont il a besoin. La discipline se situe entre ces deux limites comme une des dimensions nécessaires de l’action éducative.

Les philosophes de la modernité comme Kant ou Hegel ne s’y sont pas trompés, ils font de la discipline une contrainte fondamentale de l’éducation non pour le confort de l’éducateur, mais pour l’enfant lui-même qui doit apprendre dès le plus jeune âge à obéir à la loi parce que la loi qui s’impose à lui n’est pas un arbitraire, mais un ordre de la raison universelle et bonne, un ordre de la raison éducative, un ordre qui loin de réduire l’enfant en esclavage lui confère la dignité d’homme. Il ne faut donc pas s’arrêter à la contradiction superficielle de la discipline et de la liberté, mais au contraire, y voir un des paradoxes de l’éducation qui est d’assumer la dialectique de l’autorité et l’autonomie. La discipline semble entraîner l’enfant dans un statut d’esclave, mais c’est pour mieux l’affranchir. C’est pourquoi Émile Durkheim affirme dans l’Éducation morale (1902) que « la discipline est, par elle-même, un facteur sui generis de l’éducation » (p. 38). La discipline est incontournable, elle est légitime et c’est ce qu’il faut désormais comprendre sans chercher à l’évacuer.

La discipline repose sur le principe de continuité qui fait obligation à l’adulte-éducateur de transmettre la tradition, de donner à l’enfant les clefs du monde. La discipline s’appuie sur la légitimité de l’autorité sans laquelle on ne peut pas penser l’éducation. Hannah Arendt pose de façon aiguë ce problème de l’autorité. Dès lors que l’autorité disparaît, dès lors que l’on demande à l’enfant ce qu’il veut, on ne peut plus l’éduquer. D’où la question la plus difficile de notre époque : comment éduquer dans un monde qui n’est plus vectorisé par l’autorité ? C’est une des grandes difficultés de l’enseignement aujourd’hui : comment recréer l’espace éducatif ? Comment reconstruire , de façon provisoire et limitative, l’autorité qui est à la base de l’éducation ? Olivier Reboul dit qu’ « il n’y a pas d’éducation sans Père, réel ou symbolique » et cela renvoie à l’actualité de notre problème comment restaurer ce Père ?

La discipline est légitime car elle s’articule au droit. L’autorité ne s’exerce pas n’importe comment Elle respecte et fonde le droit. Elle s’adresse à l’enfant qu’elle introduit dans le monde de l’état de droit. Elle ne dissout pas le droit de l’individu comme on est tenté de le penser, bien au contraire, elle l’institue, elle contribue à donner sens à l’obligation, au respect de la règle et en tout premier lieu à celui qui l’incarne : l’éducateur. Le rapport du maître à l’élève n’est pas un rapport de soumission teinté de coercition, c’est un véritable rapport de droit basé sur la réciprocité de la loi. Ce que commande le maître est fondé sur une légitimité institutionnelle, sur son savoir et sur son expérience. Mais inversement, ce qu’apprend l’enfant débouche sur l’exercice du droit, de l’égalité devant la loi, de l’autonomie, de la responsabilité. Le droit de l’enseignant n’est pas séparable du droit de l’élève, ce qui comporte, de part et d’autre, de nécessaires obligations, y compris l’exercice de la sanction. Il n’y a pas d’éducation sans règle ni sanction.

La discipline est inhérente à l’acte éducatif pour une troisième raison fondamentale : elle se dégage de la coercition en ouvrant l’espace de la morale et des valeurs. L’enfant n’accepte l’éducation que pour autant qu’il y aspire, qu’il désire se conformer aux représentations du monde adulte. La discipline est un accord tacite entre le maître et son élève, un contrat implicite qui engage le premier à représenter les valeurs de la société et le second à s’approprier ces valeurs qui vont faire de lui un homme ouvert et libre. L’enfant étant volontiers porté à reconnaître l’autorité du maître, ce qui peut poser problème dit Durkheim, ce n’est pas le manque de discipline, mais au contraire son excès. La portée morale de la discipline limite le risque de son abus.

 

CONCLUSION

En matière de discipline, le problème difficile posé aujourd’hui relève de plusieurs réflexions. Nous en proposerons trois.

Tout d’abord, la discipline pose le problème des carences éducatives dans l’univers social et notamment dans l’institution familiale qui ne fonctionne plus comme autrefois. Il n’y a plus de cohérence éducative entre l’école et l’institution de la famille. L’école ne peut plus s’appuyer sur l’éducation familiale pour fonder l’espace de la socialisation scolaire. Elle doit donc créer elle-même les conditions de cette socialisation.

En second lieu, la prolongation de la scolarité crée une nouvelle situation dans laquelle les élèves ne sont pas d’emblée prêts à s’inféoder à l’espace éducatif qui leur est proposé. Étant à la fois autonomes et captifs les élèves qui sont souvent de jeunes adultes ou des pré-adultes requièrent des modes de relations spécifiques qui ne relèvent peut-être plus de la discipline au sens classique et moral du terme, mais plutôt du droit de l’école et cela implique de revoir la nature des relations que l’on entretient avec les élèves selon qu’ils sont au collège, ou au lycée. Le droit et les contraintes des élèves ne peuvent pas être identiques selon que l’élève est en 6e ou redoublant de terminale.

Enfin, la démocratisation de l’enseignement secondaire pose une autre question : celle du rapport au savoir. La discipline ne va de soi que pour autant que les élèves se reconnaissent dans les contenus de savoir que développe l’école. Or en ouvrant l’enseignement secondaire à des élèves qui ne s’identifient pas au savoir qui leur est proposé, on crée un malaise qui n’est pas sans incidence sur l’ordre scolaire.

La discipline est liée à l’exercice de l’enseignement Il n’y a pas d’enseignement sans un minimum de paix, sans consentement et sans aspiration aux savoirs que délivre l’école. Et c’est tout le problème de l’école démocratique. Peut-on imposer des savoirs qui ne s’imposent pas par eux-mêmes ? La discipline peut-elle être dissociée des savoirs qu’elle est censée véhiculer ? Imposer des savoirs c’est faire de la discipline un outil coercitif. C’est là l’étrange question que pose la démocratisation : sans une réflexion de base sur les savoirs, elle renvoie à l’aporie de l’âge disciplinaire.

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