Textes d'auteurs
Quelques auteurs qui se sont penchés sur la question de la citoyenneté

Précisions sur les ouvrages

 

BALLION Robert - La démocratie au lycée (1998)

CANIVEZ Patrice - Eduquer le citoyen ? (1995)
CHARLOT Bernard - L'intégration, une mission pour l'école ? (1997)
DEBARBIEUX Eric - La violence en milieu scolaire (1996-99)
DUBET François - La citoyenneté et l'école (1998)
DUBET François et DURU-BELLAT Marie - L'hypocrisie scolaire (2000)
LA BORDERIE René - Le métier d'élève (1996)
OBIN Jean-Pierre - Immigration et intégration (1999)
SCHNAPPER Dominique - La communauté de citoyens (1994)
VITALI Christian - La vie scolaire (1997)
COQ Guy - Laïcité et république (1995)

Précisions sur les ouvrages

La dimension politique de la citoyenneté et ses liens avec les problèmes de cohésion sociale et d'intégration

Dans l'ouvrage L'intégration, une mission pour l'école ?, Bernard CHARLOT affirme que depuis les années 1980-90 et l'apparition des phénomènes d'exclusion, le problème de la citoyenneté, à savoir trouver sa place dans la société, est devenu central puisqu'il n'y a justement plus de place pour tout le monde. L'intégration, c'est à dire le fait d'amener des individus à partager les mêmes croyances, les mêmes valeurs et les mêmes pratiques, à être soudés dans une communauté, pose les problèmes de l'unité de la société, de la coexistence de différentes cultures au sein d'une même nation et de l'acceptation de l'autre. L'intégration révèle également le rôle ambigu de l'école qui veut fabriquer de l'unité, éduquer les citoyens pour former une communauté, mais n'évite pas l'exclusion d'une partie des jeunes, la segmentation même du système et l'émergence d'un " marché scolaire ".

Jean-Pierre OBIN, dans son ouvrage Immigration et intégration, souligne l'importance de l'adhésion à un projet commun et de la notion de contrat, dans sa dimension politique d'implication dans la vie communautaire, comme fondement de la nation. Il relève que " la socialisation n'est pas qu'une affaire culturelle ; c'est aussi une intériorisation par les individus de la dimension politique de leur existence. " Mais, il ajoute que l'unité recherchée dans une référence à la citoyenneté est une tentative de recomposition en partie illusoire, car elle suppose une exigence d'égalité des devoirs (être citoyen), alors qu'elle ne peut garantir une égalité des droits.

Dans La communauté de citoyens, Dominique SCHNAPPER va plus loin dans l'idée de la nation. Pour elle, il n'y a pas 2 idées de la nation (la nation-civique à la française bâtie par la volonté des hommes et la nation-culturelle anglo-saxonne bâtie sur la base de revendications ethniques et linguistiques), mais une seule : toutes les nations sont fondées sur l'existence d'une société politique et de la citoyenneté comme principe organisateur de la vie commune. Mais aujourd'hui, le productivisme fait passer l'économique devant le politique, épuise le projet politique d'intégration, rend inexplicables les inégalités réelles qui s'opposent à l'égalité de principe des citoyens et prive les disqualifiés de dignité. La pensée moderne relativise les institutions, ce qui a eu pour effet de désacraliser le politique - après avoir désacralisé le religieux. " Le projet politique n'est plus légitimisé aujourd'hui que par la souveraineté des citoyens qui s'exprime au moment des élections. " Cela suffit-il pour assurer le lien social ? On peut en douter.

La citoyenneté, pour combattre la violence et légitimiser l'école

Dans ses ouvrages sur la violence en milieu scolaire, Etat des lieux et Le désordre des choses, Eric DEBARBIEUX affirme que la violence dans les établissements scolaires relève avant tout d'incivilités, d'une désorganisation de l'ordre commun qui à leur tour concourent à l'instauration d'un sentiment d'insécurité. Il montre que la violence est inégalement répartie, avec des disparités fortes entre les établissements et constate qu'elle n'est pas une fatalité : seuls les établissements qui prennent globalement en main le problème de la violence sont à même de trouver des remèdes, car " c'est dans le sentiment d'appartenance à une communauté éducative que se trouve un des antidotes les plus efficaces à la violence scolaire. "

La logique de la citoyenneté devient même nécessaire pour dépasser celle de consommation d'école, l'usager établissant un rapport d'intérêt avec elle et la considérant non plus comme une institution porteuse de valeurs, mais comme un simple prestataire de services. : l'enjeu pour l'école contemporaine est bien de former un sujet, membre citoyen d'une communauté, qui s'approprie sa propre situation à l'école. C'est la thèse que défend Robert BALLION dans La démocratie au lycée.

La crise de 1990 dans les lycées, nous dit-il, n'a fait que précipiter la nécessaire reconnaissance pour les lycéens de leur droit au bénéfice des libertés publiques. Même si les changements (le supplément d'éducatif) sont faits dans la sphère " subalterne " de la vie scolaire, sans que l'essence du système (le rapport pédagogique) n'ait été changé - puisque les lycées restent avant tout des lieux d'études, seuls l'investissement et le travail scolaires étant évalués -, en participant aux différents conseils, en particulier ceux dans lesquels ils sont majoritaires, et en exerçant leurs droits d'expression, de réunion, de publication et d'association, les lycéens s'affirment comme sujets, en particulier vis à vis des adultes.

Dans La vie scolaire, Christian VITALI va dans le même sens en évoquant le " pari " de la vie scolaire : réinjecter de l'éducation dans la pratique des savoirs (apprendre à vivre ensemble) pour redonner du sens à l'acquisition des connaissances. Parce que la vie scolaire se donne pour objectif de mieux habiter l'école :
- de restaurer l'unité perdue entre le temps scolaire (infini du fait de l'allongement de la scolarité, mais vécu sur le mode du cloisonnement et de la précipitation) et le temps à soi,
- de reconsidérer l'espace pour rétablir un équilibre entre le scolaire (les salles de classe) et l'éducatif, il est nécessaire de développer l'idée de citoyenneté et de l'asseoir dans des pratiques au quotidien, qui seules peuvent développer le sentiment d'appartenance à une communauté, l'implication, le sens des responsabilités, mais aussi permettre d'assimiler les élèves à des citoyens libres, jouissant des libertés publiques fondamentales, et ainsi faciliter le changement de l'action éducative - par le biais du système de représentation. En d'autres termes, il s'agit d'enrichir la vie scolaire et de la généraliser pour faire de l'élève un citoyen.

Eduquer le citoyen ? Telle est bien la question que pose Patrice CANIVEZ dans son ouvrage. " Dans une démocratie, tout citoyen est un gouvernant en puissance. " A partir de cette affirmation d'Eric WEIL, Patrice CANIVEZ développe une argumentation dont les conclusions sont les suivantes :
- il faut éduquer, c'est à dire transmettre le respect de la loi (inspirer l'amour des lois et de la patrie) et le sens de l'universel pour faire prévaloir l'intérêt général sur les intérêts particuliers,
- il faut également former des citoyens actifs, c'est à dire développer la capacité de discernement du raisonnable, mais aussi éduquer au jugement (critique et politique) et surtout donner les moyens, le goût et l'habitude de participer à la discussion.
Bien entendu, l'école joue un rôle central dans cette éducation du citoyen. Encore faut-il s'interroger sur les méthodes de l'école.

 

La citoyenneté et l'école

Dans un article de la revue Animation et éducation, La citoyenneté et l'école, François DUBET montre en effet que si l'école républicaine est démocratique parce qu'elle forme des citoyens, elle n'a pourtant pas toujours été démocratique en matière de droits et de liberté des élèves. Aujourd'hui, tout le monde est convaincu que la démocratie suppose un apprentissage spécifique : les élèves doivent expérimenter la démocratie à l'école. Pourtant, l'école ne peut être parfaitement démocratique car elle met en relation des adolescents qui apprennent et des adultes qui enseignent et évaluent. Cependant l'école peut ménager des espaces démocratiques où les adultes n'ont pas tous les pouvoirs et où les décisions scolaires peuvent être discutées. La question est finalement de définir ce qui doit être démocratique à l'école. Apprendre à comprendre et respecter le monde et ses incertitudes est moins facile qu'apprendre quelques certitudes scolaires. Mais ce qui compte c'est de prendre au sérieux la construction d'espaces où cet apprentissage est possible. A propos de l'irruption du social dans les établissements scolaires, à noter in Conseiller d'éducation (C. VITTALI - 1994) : " Le véritable enjeu de l'école n'est pas d'initier aux formes de l'exclusion, ce qu'elle fait aujourd'hui grâce à la hiérarchisation des établissements et des savoirs, mais de promouvoir le citoyen." "Il appartient au rôle de l'école de faire savoir qu'il ne peut y avoir de société démocratique, ni même de droit s'il n'y a pas préalablement des citoyens porteurs des obligations fondamentales de la citoyenneté. (...) La citoyenneté ne s'exercera pas en différé, après coup, quand l'élève est sorti du système scolaire, mais dans le présent et dans la production même du travail scolaire."

 

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